"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

06/06/2011

La conversion de Houellebecq et Taillandier, le retour






Dans L'Atelier du roman numéro 66, qui paraît ces jours-ci, je signe un article sur la conversion chez Houellebecq et Taillandier qui fut d'abord une entrée de ce blog. Il est des métamorphoses plus incroyables encore que celle de la vilaine chenille en beau papillon. (Et merci à Matthieu d'avoir rendu cette métamorphose possible.)

Télérama: le christianisme est-il un déchet recyclable?

"Or, le Seigneur, après leur avoir parlé fut enlevé au ciel (Mc 16,19)."

Est-ce en un hommage furtif à la fête de l'Ascension, pendant laquelle les chrétiens se souviennent de la disparition du Christ sous les yeux de ses disciples, que l'ex-magazine catholique Télérama, dans son numéro 3203 (1er juin 2011) procède à un de ces petits arrangements avec l'air du temps dont la cocasserie involontaire n'a d'égal que l'hypocrisie?

Dans un entretien passionnant avec Serge Portelli consacré au danger que fait courir à la justice la recherche de la sécurité absolue, le juge, à une question pertinente, quoique susceptible d'entraîner sur un terrain glissant ceux qui comme les journalistes de Télérama ont décidé de ne rien penser de rien (il s'agit de comprendre la "vision de l'homme derrière la doctrine sécuritaire" du gouvernement), avance tranquillement la thèse suivante.  "L'idée de rédemption, de rachat, de salut, héritée du christianisme, a disparu. Ce postulat d'une fatalité de la récidive, par exemple, me révolte." Cette idée forte sert d'épigraphe à la page 36 de l'entretien en question, mais sous une forme raccourcie qui nous prive de la seule lueur de rationalité qui nous permettrait de comprendre, au-delà du diagnostic implacable, ce qui se passe.  "L'idée de rédemption, de rachat, de salut, a disparu. Ce postulat d'une fatalité de la récidive me révolte."

C'est ici la cause de la disparition qui elle-même disparaît! Et lorsque la cause disparaît, c'est cette disparition elle-même qui, comme la récidive, semble devenir fatale. Cependant, ne désespérons pas. Cette forme abrégée de la thèse proposée par Portelli nous dévoile en même temps la logique à l'œuvre qui est dénoncée ici. Une sorte de preuve involontaire et par l'absurde de la thèse de Portelli.

Car voici donc les journalistes de Télérama qui amputent la réponse de Portelli -sans voir à mal sans doute (on les entend déjà : "c'est une question de place, rien de plus, il faut vraiment être tordu pour y lire autre chose")- de ce christianisme dont la disparition est justement présentée, en creux, comme la cause de la perte dont on se lamente! Depuis des décennies le journal Télérama n'a eu de cesse de renier ses propres origines en se conformant avec un zèle de fayot à l'air du temps.  De bazarder d'un cœur léger la doctrine catholique du péché originel et de la rédemption. Comment une telle antiquité pourrait être d'une quelconque pertinence pour éclairer notre temps? Il est bien temps de se le demander...

Et c'est ainsi qu'au détour d'un lapsus éditorial ô combien révélateur, on rend manifeste l'amputation à laquelle le journal procède l'air de rien depuis des décennies.

Et c'est ainsi que dans un moment d'euphorie débridée j'imagine les journalistes de Télérama,  effarés, prenant la mesure, sans vouloir vraiment la prendre, des dégâts dont ils sont eux-mêmes, pour une part minuscule, mais pour une part quand même, la cause.

"Dieu rit des hommes qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes." Jacques-Bénigne Bossuet.