"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

17/02/2010

Irish Blood, English Heart

Aller, encore une petite contribution, étrangère celle-là (elle n'en aura que plus de valeur)  à notre débat maintenant obsolète sur l'identité nationale, et au passage la première vidéo mise en ligne ici. On n'arrête pas le progrès, même chez les plus ringards.


16/02/2010

Hexagone

Maintenant que le gouvernement nous a gentiment fait savoir que l'identité ça n'était plus la peine d'en parler puisque le débat, en vertu des pouvoirs qui sont conférés au ministre, a été déclaré clos, il est sans doute plus que temps que je mette en avant ma contribution à moi. Ce texte est une version remaniée d'un texte paru sur Agoravox, le 15 mai 2008.

Comment comprendre ce sentiment, celui d’avoir perdu ce que je n’ai jamais possédé ? Le grec des anciens et le latin, la liturgie et le dogme. La nef et le chœur, le prie-Dieu et la chaire… Où se trouvent-ils ? Quelles beautés recèlent ces mots que je ne comprends pas? Que nous disent-ils ? Pendant l’office, je ne suis pas un fidèle, mais un touriste parmi les touristes en short qui lèvent la tête vers les oeuvres anciennes… Epaté par la luxuriance des formes, la diversité des noms. Les scènes des Evangiles, je les déchiffre sur les vitraux comme un enfant de classe préparatoire, la bouche qui bée, le regard vide. J’annone des noms de prophètes qui ne me disent rien.

Ma tradition, dont j’aime me glorifier, en quoi est-elle mienne ? Le supermarché et ses rayons, le pouvoir d’achat et ses aléas, tel est mon royaume, ce à quoi je suis fidèle. Je gagne et je dépense. J’accumule et j’avale, sans digérer, des livres, des livres, encore des livres. Qui parlent de quoi ? Ecrits par qui et pourquoi ? Nous sommes tous cyberisés,  droitdel'hommisés, dérisionnisés. Toute la vieille réalité, aujourd’hui indéchiffrable, s’est reversée dans de vains exercices de style pleins d’impertinence. Dans de la subversion en série, de la critique acerbe, des regards affûtés. Dans des portraits sans concession, des fresques iconoclastes, des regards rebelles, des anticonformismes percutants. Dans des récits « insolents » (comment, sans rougir de honte, se déclarer insolent après 30 ans ?), des jeux de massacre jubilatoires (qui, sinon nous autres enfants gâtées de la post-histoire, pouvons sans rougir de honte jubiler à l'idée d'un jeu de massacre?). Ou dans quoi encore à Paris-sur-Seine? M. le Président est un rebelle comme dit M. le Premier ministre.

L’anarchiste est couronné et le peuple obéissant. Il met en scène à coup de Blog et de My Space, et de Twitter ses soulèvements virtuels, ses dégoûts et ses indignations numériques, toute cette misérable prose sans âme et hargneuse, hargneuse parce que sans âme.

A quand le point final ? A quand le temps de la lecture attentive, anxieuse ? A quand la parole à l’auteur plutôt qu’à ses fossoyeurs ?



A quand la lenteur ?



La culture, et les cultures, et le rire qui continuent encore. Le décalage et la rage, la distance et l’ironie. Tout ça par cœur, je le récite comme un zombie. Ca ne s’arrêtera jamais. Le fatras d’internet, le chaos audiovisuel, tel est le liquide amniotique dans lequel je baigne et dont je n'émergerai jamais. Je ne veux plus m’approprier le monde ni maintenant ni demain. Jim Morrison et Nicolas Sarkozy, même triste combat. Je ne veux plus enfoncer de portes, qu'elles soient ouvertes ou fermées. Je veux seulement croire que, grâce aux mots et en deçà des mots, le monde continuera d’exister.



Que reste-t-il ? Finalement quelque chose mériterait d’être préservé ? Des valeurs et des choses conservées ?

La route sur laquelle s’en sont allés les enfants de la patrie, où les a-t-elle menés ? En quelle apesanteur, sur quelle balançoire glissent-ils, légers et futiles ? Vers quelles célestes vapeurs qui les envelopperont tout entiers ?
A la bénigne insignifiance du temps présent comment opposer le dur désir de durer des choses anciennes ? « La fragilité de tout enfin révélée. » Cette phrase me broie le cœur, au fil d’un livre déchirant.


Je voudrais enfin respirer l’air libre de la patrie. M’emplir de l’humus noir, gras et fertile d’une enfance inventée. Ma terre natale, où est-elle ? La terre de mes ancêtres, je n’y comprends rien. Leur attachement à la France, comment serait-il autre chose qu’une superstition ridicule, un provincialisme dépassé, une xénophobie coupable? La nostalgie qui m’étreint lorsque je descends d’avion, mets enfin les pieds sur la terre ferme à Roissy-en-France, retrouve la douce grisaille parisienne, d’où vient-elle ? Quel sens lui donner ? Le village rassemblé autour d’un obsolète clocher, comme le faire mien ? Comment ne pas l’abandonner ?

Je veux connaitre la prière de Xavier, qui bientôt va mourir.

Seigneur Dieu
Pour votre parousie
Me laisserez-vous revenir
En ma paroisse nizonnaise?
Du mal qui me peut advenir
Epargnez-moi
Bonne est la vie
Parmi les êtres humains
Mon coeur est sans froidure
Et peu me dure le temps
Quand je suis fraternel
Seigneur

Pourquoi ne puis-je plus être un citoyen du monde, acculturé, un affranchi qui fait le malin aux dépens des siens ?



Comment reconnaître ma dette ?

Comment devenir Français, enfin ?