"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

24/06/2009

Le roman ou les ruses de la raison tragique



A propos de l’ouvrage de Matthieu Jung, Principe de précaution.

Contrairement à ce qu’un culte encore vivace de la singularité en littérature pourrait peut-être laisser penser, il me semble que le conformiste est un personnage éminemment romanesque. Que l’on pense aux merveilleux libres penseurs de Flaubert, ou au fasciste de Moravia par exemple : celui qui se plie avec zèle aux mots d’ordre de son époque inspire les romanciers. Parce qu’il est plein du vide de son temps, Pascal Ebodoire, le personnage principal et narrateur du deuxième roman de Matthieu Jung, devient une formidable caisse de résonnance des slogans du jour en ce qu’ils veulent imposer le risque zéro dans tous les domaines de l’existence humaine. Pascal est un français moyen, d’un âge moyen, 39 ans, d’une taille légèrement inférieure à la moyenne, 1,73m, et d’un niveau de vie et d’intelligence sans doute un peu supérieurs à la moyenne. Il a une femme et deux enfants, est diplômé d’une grande école, mais stagne précocement à un niveau relativement subalterne de la hiérarchie de l’entreprise qui l’emploie. Rien ne le distingue de ses contemporains, sinon son application à être banal jusqu’au bout. Car voilà sans doute ce qui nous protège d’une parfaite perméabilité à l’air du temps : notre déplaisante et illusoire volonté (parfaitement dans le ton de l’époque) de nous distinguer des autres. Nous les pas-dupes aimons à ricaner d’un air supérieur devant la télé ou en feuilletant les quotidiens gratuits du métro, pendant que Pascal s’inquiète benoîtement de ce qu’on lui raconte. Son conformisme est donc sa façon à lui, sympathique parce qu’involontaire, de se distinguer de ses contemporains. C’est par la voie étrange d’un excès de conformisme que Pascal accède à la singularité littéraire. En n’opposant aucun quant-à-soi à la doxa contemporaine, le personnage du roman de Matthieu Jung parvient à une forme étrange de singularité qui en fait un bon candidat au statut d’archétype littéraire du XXIe siècle. C’est par sa banalité même que Pascal Ebodoire devient un « personnage », aux deux sens du terme, et c’est par cette même banalité qu’il facilite l’articulation de la petite histoire et de la grande (1). Du temps d’Hegel, l’âme du monde s’incarnait en Napoléon. Aujourd’hui, en Occident, si notre monde avait une âme, elle chercherait à cocooner modestement et bien au chaud, sous l’apparence anodine et inquiète d’un Ebodoire.

Il y a un autre avantage non négligeable à cette banalité assumée, qui réside dans le style sans affectation ni effets inutiles du narrateur. Pascal est d’une limpidité d’expression fort agréable pour le lecteur. Sans doute ne vise-t-il naïvement qu’à se faire comprendre. C’est une ambition très louable et pas si banale quand le souci de certains romanciers contemporains d’en mettre plein la vue au lecteur prend le pas sur celui de la clarté.

Malgré sa volonté de tout contrôler, Pascal ne prétend pas dominer la situation, ni ses semblables. Son sérieux, son caractère impliqué et inquiet, le rendent vaguement ridicule aux yeux de ceux qu’il côtoie dans le roman, auxquels il a en outre le mérite de donner, grâce à sa propre fadeur, du relief (voir le personnage aussi hilarant qu’improbable de Ruszczyk), mais aussi attachant pour le lecteur qui, lorsqu’il renonce à prendre la pose de l’affranchi, sait qu’au fond de lui-même il partage l’inquiétude de Pascal. Comment « gérer l’incertitude » dans un monde sur lequel nous semblons n’avoir aucune prise, mais où tout ce qui nous arrive paraît simultanément provenir de nous-mêmes? La bourse (Pascal est Asset Manager) va-t-elle monter ou s’effondrer? Une bombe a-t-elle été glissée sous un des sièges de la rame que j’emprunte ? Mon fils est-il un « élément incontrôlable » dont la violence doit être maitrisée avant même qu’elle n’éclate? Pascal Ebodoire vit dans un monde à son image, un monde qui a soif de certitudes. (Voici, au passage, avec ce roman enfin la « preuve » romanesque que ce n’est pas le monde des croyants qui a un besoin pathologique d’être rassuré mais celui qui vit sous l’emprise de la science et de ses « preuves ».) Cette soif inextinguible de sécurité lui pourrit la vie : l’esprit perpétuellement inquiet de Pascal finira par ne plus supporter l’angoisse qui l’étreint jusque dans la quiétude menacée de son foyer.

Mais ce n’est pas tant l’intensité de la peur qui caractérise notre monde que son illégitimité, subjective et objective. La peur est considérée comme une pathologie lorsqu’elle s’exprime chez les uns à l’encontre des autres (du péril jeune ou du péril jaune on ne parle que pour se moquer ou s’inquiéter de ceux qui l’éprouvent). La peur socialement admise, « objective », celle liée à l’économie ou à la science par exemple, doit être éradiquée par cela même qui la suscite, l’organisation économico-scientifique du monde. Peut-on combattre le mal par le mal, ou pour parler en termes évangéliques, Satan peut-il expulser Satan ? Voici une des excellentes questions que ce roman nous amène à poser. Ce n’est pas parce que Pascal Ebodoire ne fait pas le malin que le diable est loin. En littérature, le diable n’est jamais loin.

Ceux qui aujourd’hui dénoncent la peur irraisonnée d’autrui sont souvent ceux qui, parce qu’ils font comme tout le monde de la sécurité un absolu, veulent faire jouer par ailleurs, dans le domaine de l’environnement par exemple, le principe de précaution. Serait-il trop bridé sur notre droite que le sentiment de peur se manifesterait à gauche, et inversement. L’ennemi du nouveau prince de ce monde qu’est le principe de précaution, ce serait le courage (la virtù chère à Machiavel). Mais le courage, qui implique non pas l’absence ou la négation de la peur, mais sa domination, est une vertu obsolète. Il ne s’agit plus de faire face au danger mais de le faire disparaître, soit en le niant, soit en prenant toutes les mesures prophylactiques qui permettront à chacun de retrouver le bien-être et la sécurité auxquels il a droit. Pascal Ebodoire prendra ces exigences (écologiques ou simplement « sécuritaires » au sens étroit du terme) au pied de la lettre. Il ira jusqu’au bout de son besoin de certitude et de sécurité, et l’on redécouvrira in fine, pour rester encore un peu avec Hegel, malgré notre volonté forcenée d’éradiquer le mal du cœur et de la société des hommes, « le pouvoir monstrueux du négatif ».

Lorsqu’un oracle prédit qu’Œdipe tuera son père et épousera sa mère, Laïos, son père, déroge lamentablement au principe de précaution moderne en ne s’assurant pas de la mort de son fils. Le sort d’Œdipe sera confié à l’arbitraire de la volonté des dieux. Voilà une attitude bien inconséquente de la part de Laïos, qui prend ainsi le risque de voir s’accomplir la terrible prédiction qu’une attitude plus prudente (et plus radicale) de sa part aurait suffit à démentir. La tragédie nous fait éprouver une terreur sacrée devant l’inévitable accomplissement du destin, conçu comme une puissance incontrôlable qui domine le cours des choses humaines. Cette terreur sacrée, le monde moderne en a soupé. Il veut s’assurer que la tragédie ne se produira plus ici-bas. La peur tragique est traumatisante. Il faudra bientôt dresser les tentes des unités d’accompagnement psychologique à la sortie des théâtres avant même qu’ils ne ferment définitivement, ce qui ne saurait pourtant tarder. Face à la tragédie qui semble déchaîner arbitrairement les puissances surnaturelles sur la pauvre humanité désarmée, la raison moderne oppose une prophylaxie vétilleuse et implacable. Mais c’est cette prophylaxie même qui réintroduit dans la grande histoire (invasion « préventive » de l’Irak par exemple) ou dans la petite histoire du roman, le tragique qu’elle avait cherché à expulser de la vie des hommes.

Le roman nous l’apprend, le tragique a plus d’une ruse dans son sac, au point sans doute de nous faire rire tout autant que pleurer.




(1) Il n’est qu’a confronter par exemple ces deux expressions du soulagement que procure une certaine forme de violence destinée à faire disparaître la peur du champs des relations entre les hommes.

D’abord pour la petite histoire, le romancier.

« J’ai posé le Beretta sur la table basse. Je me sentais apaisé maintenant, enfin soulagé de cette angoisse diffuse qui m’habitait depuis des mois (…) Un immense relâchement se manifestait au niveau de ma nuque, au point que je conservais difficilement la tête droite. Le long de la colonne vertébrale également, les muscles se détendaient, me procurant une extraordinaire sensation de bien-être (Matthieu Jung, Le Principe de précaution). »

Puis, pour la grande, le philosophe.

« Après tout, un visage n’est qu’ombres, lumières et couleurs, et voilà que parce que un visage a grimacé d’une certaine façon, le bourreau éprouve mystérieusement une détente, une autre angoisse a relayé la sienne (Merleau-Ponty, Signes). »

17/06/2009

La chute de Mammon ?

La thèse présentée ici semblera sans doute bien hasardeuse. Mais, je le dis sans fard, il me semble que je touche ici un point essentiel, de façon obscure et confuse sans doute, mais un blog n’est-il un endroit privilégié pour formuler des hypothèses hasardeuses ? Par ailleurs, grâce à mon indéfectible ami Google, je constate que le titre de cet article a déjà été pris par un analyste de la crise financière actuelle. Je n’y renonce pas cependant, car je n’en trouve pas de meilleur. Il ne faut pas se réjouir de la déchéance d’un dieu, fut-il faux. Car, même si pour un chrétien elle ne peut être qu’une étape sur le chemin de l’avènement du Royaume, la chute d’une idole provoque immanquablement le chaos dans les communautés humaines qui la vénéraient.

Depuis quelques années maintenant j’ai la ferme impression qu’en France, dans les rapports que chacun d’entre nous entretient avec les commerçants au cours de cette activité ô combien banale que l’on appelle « faire les courses », le pouvoir symbolique a changé de camp. Naguère encore le commerçant accueillait ses clients avec un empressement qui manifestait la puissance de ces derniers : ils étaient « rois » disait-on. Le client, en tant que détenteur d’une somme d’argent convoitée par le commerçant semblait être en position de force. C’est sur sa personne que se focalisait le désir des deux partenaires de la transaction avant que celle-ci ne parvienne à sa conclusion. Un peu comme une coquette sait se faire désirer avant de céder aux avances de son soupirant, un client pouvait tourner autour des marchandises proposées avant de prendre sa décision, faire le difficile, marchander parfois. C’est ce schéma qui est encore vivant dans les souks des pays du tiers monde, où le touriste occidental racolé par les boutiquiers du coin peut goûter le temps d’un séjour d’une semaine au charme du statut privilégié des clients d’antan. Benoît Duteurtre notait dans un de ses derniers livres, La Cité heureuse, que nous assistions aujourd’hui à la « réapparition des files d’attente communistes en pays capitaliste ». Le constat est évident : que ce soit sous une forme virtuelle, avec les centres d’appels grâce auxquels de nombreuses entreprises n’hésitent pas à faire patienter leurs clients éventuels pendant de longues minutes au téléphone, au moyen d’astucieuses voix enregistrées qui simulent la politesse des êtres humains d’autrefois, ou sous une forme bien réelle dans des endroits aussi différents que la FNAC, La Poste, ou la SNCF où les queues sont toujours plus impressionnantes, c’est le client qui aujourd’hui se trouve contraint de patienter longuement avant que ce ne soit enfin son tour d’être autorisé à se délester de son argent. C’est d’autant plus étonnant que l’accroissement des transactions par Internet aurait dû réduire le nombre de transaction « réelles » et par voie de conséquence le temps d’attente avant que celles-ci ne se concluent. Or, il n’en est rien. Au-delà des questions étroitement économiques liées à la volonté forcenée des managers d’aujourd’hui de réduire les coûts, il faut constater que quelque chose a basculé dans les relations entre les clients et les commerçants. Le client est devenu un quémandeur, presque un importun. Au nom du « progrès », tout est fait pour le dissuader de prendre un contact direct et humain avec le commerçant ou le prestataire de services auquel il veut avoir recours. Les entreprises semblent mettre tout en œuvre pour dissuader le client dans sa volonté un peu obsolète de nouer un contact humain quelconque lorsqu’il fait ses courses. A la RATP on installe des machines partout (signalées en vert) tandis que les employés se cachent derrière des guichets « information » surmontés d’un orange dissuasif. Air France, comme les autres compagnies aériennes, fait le forcing pour habituer ses clients au self check-in. On connaît par ailleurs les projets, souvent très avancés, de nombreux grands distributeurs, d’installer un peu partout des caisses automatiques.

Lorsque les contacts humains existent encore entre clients et fournisseurs, c’est donc le client qui doit patienter bien sagement jusqu’à ce qu’un vendeur hautain daigne accepter son argent afin que la transaction désirée par lui puisse enfin avoir lieu. Cette attente le fait ressembler aux serfs d’autrefois qui venaient de loin solliciter jusqu’au château la justice ou la bienveillance de leurs seigneurs, à ceci près que cette dépendance est aujourd’hui généralisée et ne concerne plus le seul domaine de la justice. Ceci se traduit très concrètement par l’inversion des rôles dans le petit jeu que l’on joue au cours de ces transactions. Ce n’est plus le client qui mérite toute la sollicitude de l’employé. C’est plutôt ce dernier qui se voit octroyé force sourires et remerciements.

Suis-je seul à constater cela ? Autrefois le commerçant me remerciait, aujourd’hui, spontanément, c’est moi qui le remercie, et lui qui prétend me rendre service. Seules les machines, par le biais de voix enregistrées, rendent encore un culte désuet à la politesse à l’ancienne, et entretiennent les clients dans l’illusion que ce sont eux qui sont dans la position avantageuse du courtisé.

Comment comprendre cette évolution ? De cette simple remarque, d’ordre phénoménologique, est-il possible d’émettre des hypothèses quant au statut futur de cette puissante idole, Mammon, dans notre monde ? Et partant, de notre propre situation au monde ?

Si on y pense un instant, le transfert de la puissance symbolique des clients vers les fournisseurs a quelque chose de stupéfiant. En pleine modernité capitalistique Marx parlait du saut périlleux de la valeur de la marchandise de son propre corps dans celui de l’or. Aujourd’hui on a parfois le sentiment qu’à l’inverse c’est l’argent lui-même qui peine à s’incarner en la marchandise. Je ne sais pas trop où je m’avance, mais j’ai le sentiment qu’il y a quelque chose de majeur qui se joue aujourd’hui dans ce renversement.

Il faudrait se plonger sérieusement dans l’œuvre d’Ivan Illich. Il y a quelque chose de profondément erroné, je pense, à présenter une transaction monétaire comme étant le fait de deux parties égales. Lorsque nous achetons, nous sommes généralement face à d’énormes organisations, avec pour seul argument la puissance symbolique qui nous vient de l’argent que nous possédons. C'est notre seule prise sur le monde, incapables que nous sommes de le transformer par une action directe sur les choses. Cette puissance symbolique que nous octroie l'argent viendrait-elle à disparaître, que nous nous retrouverions nus et désemparés face aux énormes machines (entreprises et Etat) qui nous maintiennent en vie aujourd’hui. Nous serions réduits au rang de quémandeurs ou de mendiants face à ces institutions. Or, cette puissance symbolique est aujourd’hui ébranlée, et cet ébranlement vient nous révéler la vérité de notre situation dans le monde. Nous sommes des êtres parfaitement inadaptés à la vie sur terre. Le système d’échanges généralisés et l’extrême division sociale du travail propre au monde moderne nous a transformés en enfants impuissants contraints d’attendre pitance et bien-être d’institutions obscures et impénétrables. Nous vivons dans un rapport d’extériorité absolue vis-à-vis du monde. Et les écrans en ont encore ajouté une couche. Ivan Illich décrivait le monde moderne comme celui de la perversion généralisée de la charité chrétienne. Nous attendons du dehors, de nos immenses églises totalitaires que sont les institutions modernes les conditions de bases de notre existence. Peut-on mesurer la perte que cela représente par rapport à l’emprise sur le monde qu’avaient nos aïeux paysans ? Les institutions nous font la charité. Et cette situation humiliante nous reste dissimulée, mais pour combien de temps encore, par l’écran symbolique que l’argent interpose entre notre situation misérable et le monde. Je pense que la hargne et le ressentiment que nous manifestons parfois à l’égard de ces institutions est le symptôme de la souffrance que nous éprouvons à l’égard de cette situation. En règle générale, ceux qui disposent d’un emploi ont l’illusion d’avoir une prise sur le monde. D’où la bienveillante arrogance qu’ils manifestent lorsqu’ils ont affaire aux « clients », ces autres eux-mêmes réduits à la position humiliante de solliciteurs. Ce n’est pas à proprement parler l’argent qu’ils gagnent qui leur donne cette illusion, mais le fait justement de se situer du côté des producteurs. Dans le cadre de notre emploi, nous nous situons du côté de la maitrise et de l’emprise sur le monde. Mais la crise révèle aussi la fragilité de cette position. Nous sommes, tous ou presque, interchangeables, non nécessaires, surnuméraires. De cette situation humiliante, je pense, découle toutes les compensations délirantes en forme d’affirmations arrogantes des Moi-Je sur la scène mondiale du Web. Les blogs, les MYSPACE, les Facebook et autres pride, ne sont que la conséquence de notre vacuité ontologique. Grâce aux machines et aux institutions nous fantasmons une toute-puissance et une autosuffisance absolue comme un enfant fantasme de s’approprier la puissance maternelle alors qu’il vit une situation de dépendance absolue à son égard. La néoténie perpétuelle, avenir de l’humanité. La hargne que nous manifestons à l’égard de ces mêmes machines et institutions ne peut provenir que de la lumière qui s’insinue dans les fissures de notre narcissisme infantile.

Des sommes gigantesques sont aujourd’hui injectées dans l’économie réelle, sans beaucoup d’effets. Au-delà des purs mécanismes économiques, on peut y voir, je pense, un signe de la perte de valeur symbolique de l’argent lui-même. La valeur que nous accordions à l’argent était un acte de foi collective. Au-delà de la force de ses arguments scientifiques (que je ne peux guère mesurer), le succès de l’écologie politique me semble être le signe d’une crise profonde de la foi dans le dieu Mammon. On ne pouvait en dire autant du communisme au temps de sa splendeur, puisqu’il restait attaché à la richesse et, ô combien, au développement de la puissance technologique de l’homme. Le communisme, dans une stricte orthodoxie marxiste, visait à l’achèvement (dans les deux sens du terme) du capitalisme, cet autre nom du dieu Mammon. Avec Ivan Illich, l’écologie politique, dans ce qu’elle a de meilleur, c’est-à-dire de plus conservateur, et même, pourquoi pas, de réactionnaire (au diable le libéralisme libertaire prétendument écologiste qui fait des vagues aujourd’hui), nous dit clairement que nous avons fait fausse route. Aussi saugrenu que cela puisse paraître, je vois dans le renversement du rapport de force symbolique entre clients et fournisseurs le signe avant-coureur de la disparition, au moins chez nous en Occident, et singulièrement dans notre vieille France, de la puissance de Mammon.


Sinon, à part ça, dimanche 21 juin 2009, c'est la fête des papounets.




10/06/2009

Papa nuit à ma santé

Selon une étude réalisée par l’Etat danois et publiée le 18 mai dans le sans doute très sérieux « Scandinavian Journal of Public Health », et dont les sites Rue 89 et tetue.com font la publicité, il est désormais prouvé que les enfants élevés par « deux mères » sont en meilleure santé psychique que ceux qui ont la malchance d’être tombés sur un père et une mère biologiques qui ont bêtement décidé de s’occuper d’eux plutôt que de les confier, dans leur intérêt bien compris, à un couple de lesbiennes. Le monde est dorénavant prévenu, le papa, comme les cigarettes, nuit à la santé. Les mâles ringards qui auront la mauvaise idée de s’intéresser à leur progéniture n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes lorsqu’ils seront confrontés à des adolescents dysfonctionnels qui plus tard les traineront devant la justice pour les punir de leur néfaste présence à la maison. Principe de précaution oblige, proposons qu’une loi soit votée sans délai pour que soit apposé sur le front de tous les pères de l'Hexagone ayant reconnu leurs enfants, sous la forme d’un tatouage indélébile, un avertissement mentionnant leur nocivité pour la santé de leur propre descendance. Parce que nos chers bambins le valent bien.

Je m’étonne pour ma part que l’étude ne formule pas une hypothèse qui devrait immédiatement venir à l’esprit du citoyen dans le coup qui tombe sur cet article. Si deux mères valent mieux qu’une, pourquoi pas trois? Ou quatre ? Rien ne devrait être trop beau pour nos mouflets. Le gynécée, nouveau droit de l’enfant !

Mentionnons en passant la raison pour laquelle ces néo-couples sont, selon la chercheure scandinave, moins pathogènes que les autres : c’est que ces femmes savent faire face aux aléas de l’existence, elles sont plus fortes et plus résistantes que les autres, plus sûres d’elles-mêmes. Presque autant que les patriarches d’antan sans doute.
-------

09/06/2009

Nivellement par le bras

Dans Le Monde des ados (27 mai 2009, p.37), une aimable publication du groupe Le Monde, on peut lire enfin exprimé sans détours inutiles et sous la forme sympatoche, quoiqu'un peu trop carrée à mon goût, d'une bulle de BD, l'irréfragable programme contemporain d'extermination de l'adulte qui est en nous. Progamme qui choque jusqu'aux enfants en question lorsqu'ils sont bien élevés et conscients de la douce horreur de la pédophilie symbolique, celle qu'un adulte d'autrefois pourrait trouver tout aussi monstrueuse que la vraie.



04/06/2009

Non, chère Martine, je ne veux pas que l’Europe me ressemble

Lettre ouverte à Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste

Ma chère Martine,

J’espère que tu ne m’en voudras pas de t’interpeler ainsi sans manières, mais étant né vers la fin des années 1960 j’ai rarement l’occasion de tutoyer des Martine, alors j’en profite. Quoiqu’il en soit, ce n'est pas un grand risque, je pense, que de prendre cette liberté avec toi, car je suis sûr que pour ta part tu ne prendras pas la peine de me répondre, ni même de me lire, même si tu t’es donnée celle de venir me parler presque tous les soirs dans mon poste, pour m’inciter à voter pour ta liste. Celle qui me propose de voter pour une Europe qui me ressemble, tout simplement. Eh, bien il faut que je te l’avoue sans fard, ma chère Martine, au risque de te décevoir : je ne veux pas d’une Europe qui me ressemble, tout simplement. Car une Europe qui me ressemblerait, même « tout simplement» chère Martine, aurait une drôle d’allure. Elle serait née avec Mai 68, elle sentirait des pieds, surtout au sortir d’une journée de boulot, et aurait pris l’habitude de postillonner sur ses contradicteurs, le samedi soir, lorsqu’elle aurait trop bu. Ce serait une Europe cool, pas très distinguée donc, qui tutoie les vieilles dames qu’elle ne connaît pas. Une Europe blogueuse et blagueuse, en quête éternelle de reconnaissance et de misérables petits plaisirs. Elle ne serait pas jolie, jolie, cette Europe. Elle serait à moitié inculte, se réclamerait d’une tradition qui ne serait qu’à moitié la sienne, aurait rompu malgré elle avec ses racines. Cette Europe qui me ressemble, chère Martine, c’est justement celle dont je ne veux à aucun prix.

Martine, l’Europe dont je rêve (puisque le rêve devient général, même le mien devrait avoir droit de cité) lirait le grec ancien et le latin. Elle serait lointaine et intimidante. Elle confinerait les Européens dans le sentiment de leur barbarité, si un tel barbarisme existe. L’Europe qui me sied, chère Martine, c’est celle de l’autorité et de la distance, celle qui cherche en dehors d’elle-même les sources de sa légitimité. Pas plus que je ne veux d’une France présidente, je ne veux d’une Europe ressemblante. La tautologie ontologique n’a jamais fait, je pense, un programme politique convaincant. Je ne voterai donc pas dimanche pour ton Europe qui me ressemblera lorsqu’on l’aura changée. D’ailleurs cette pauvre vieille Europe, il n’y a pas que toi qui veux la changer ou en changer. C’est le cas d’à peu près tout le monde, des plus cocos aux plus lilis. Et pourquoi pas un peu de conservation dans ce monde de changeurs hystériques ? Je te dis ça à toi en pensant à ton papa fondateur, mais je sais que ma cause est vaine. Chère Martine, je te sens transie d’inquiétude à l’idée que le vote d’un bon citoyen de plus ne t’échappe et rejoigne le camp du futur vainqueur. Je veux te rassurer : je ne veux pas non plus de cette autre Europe de ventriloques que nous propose l’autoproclamée Majorité Présidentielle. Je ne me vois guère en clone de Michel Barnier. C’est drôle non, ces gens qui veulent comme tout le monde une « autre Europe » en même temps que tout le monde. Je ne me vois pas plus voter pour l’hilarante droiterebelle.fr du CNI, ni pour personne d’autre d’ailleurs.

Mon Europe à moi, celle que je choisis dans mon catalogue intime, car c’est mon choix à moi, me parle dans une autre langue que la mienne, celle de la clarté française que je rêve de posséder un jour enfin.

Chère Martine, moi qui ne ressemble à rien, moi qui ne suis rien, comment pourrais-je vouloir d’une Europe à mon image ?

Bien à toi quand même,

Florentin Piffard

03/06/2009

Ce vieux raciste, mon héros !



De Los Angeles à Clermont Ferrand, combien s’est-on délecté dans notre néo-Occident post-raciste de ce Clint Eastwood en vieil atrabilaire, au langage assez parfaitement incorrect, qui découvre peu à peu les vertus de la fréquentation de ses voisins étrangers pour finalement devenir leur ange gardien, jusqu’à ce que mort s’ensuive! (Un ange peut-il mourir ? Voilà un point de théologie qui m’échappe.)

Quelle jubilation citoyenne que de voir ce vieil ouvrier xénophobe se convertir aux exigences de la tolérance et de l’ouverture sur l’autre ! Grâce à Gran Torino on a l’impression d’assister en personne et in extremis à un évènement historique : la conversion du dernier des machistes, de l’ultime xénophobe, à la religion tolérantiste du Nouveau Monde. Comme si, au cours du règne de Théodose 1er, un ultime païen nous avait relaté en guise de témoignage funèbre sa propre conversion au christianisme d’Etat qui triomphait alors.

Cette conversion paraît d’autant plus sincère et émouvante qu’elle se conclut par la mort du converti. L’ultime sacrifice de Walt Kowalski, un ouvrier depuis longtemps « inactif » qui vient de perdre son épouse, un ancien de la guerre de Corée dont on apprend que ses crimes le hantent et que la confession catholique ne peut l’aider en rien, a des échos de martyr chrétien dans un monde qui ne veut plus rien savoir de ce qu’est vraiment le christianisme. C’est ainsi que les religions nouvelles paraissent prendre la forme des religions anciennes pour mieux les subvertir. Pentiti, hurlait la statue du commandeur à Don Juan qui ne voulait rien entendre, alors même qu’il vivait ses derniers instants. Le personnage que joue Eastwood se révèle d’un bois plus tendre que le séducteur aux mille et trois conquêtes et se soumet finalement à la religion du jour. Pour le plus grand plaisir du spectateur qui peut jouir à la fois (subrepticement) des diatribes xénophobes de Walt et (ouvertement) de son retour dans le giron de Sainte Eglise tolérantiste (ou l’inverse pour les affreux réacs qui fréquentent ce site). D’une pierre deux coups, ou le plaisir sans la faute…

Interrogeons nous un instant sur ce goût étrange de la modernité la plus impeccable pour les personnages racistes et xénophobes. Est-ce vraiment un hasard que Walt Kowalski ce vieux polak raciste, ait un tel succès dans l’Amérique post-raciale d’Obama et plus encore peut-être dans notre Europe post-nationale (1)? De Walt Kowalski en passant par Hubert Bonisseur de La Bath jusqu’à David Brent, le désopilant manager de The Office, les racistes, sexistes et autres antisémites possèdent en ce moment une capacité étonnante à propulser tout en haut du Box-office les films ou les séries dont ils sont les personnages principaux. Persona non grata dans la vraie vie, star au cinéma, drôle de destin que celui du vieux mâle blanc xénophobe. Son succès provient, je pense, et selon les cas, de sa capacité à faire frissonner les chaisières de toutes les cathédrales de l’Espace Bien ou à faire rire à ses dépens les vertueuses foules citoyennes. Il est toujours intéressant de comprendre de quoi l’on s’amuse. C’est lorsque la France s’apprêtait à quitter une culture catholique ancestrale mais dans laquelle elle baignait encore que les curés ont le plus fait rire. Lorsque les publics contemporains gavés de tolérance s’esclaffent lourdement des blagues et insultes racistes, ils jouissent de se sentir si beau dans ce miroir avantageusement déformant que lui tendent ces néo-croquemitaines, mais aussi de ces blagues et insultes elles-mêmes, c’est à-dire du racisme et du sexisme d’autrui vécu par procuration. « M’sieu, M’sieu, il a dit une grosse bêtise, Hubert! ».

Mais n’allons pas trop vite en besogne. Si je ne nie pas le plaisir que j’ai pris avec OSS 117 ou encore moins celui que je prends de temps en temps à me délecter de la fatuité sans borne de David Brent, il faut admettre que Walt Kowalski est d’une autre trempe. Car au-delà de ses grognements canins, Kowalski est un héros moderne, un vrai, c’est-à-dire un héros à l’ancienne. Celui qui n’hésite pas, au péril de sa vie, à défendre la veuve et l’orphelin. Cet héroïsme même, lorsqu’il ne se transforme pas, par la vertu de la virtualité numérique, en arme de destruction massive pour jeu vidéo et ne sombre pas par là même en fascination morbide pour la violence pure, qu’il est mis en scène à hauteur d’homme, d’un homme âgé même, c’est ce que nous peinons à comprendre, plus encore que la misanthropie ou la xénophobie. Nulle apologie de la violence dans ce film, mais nulle naïveté non plus. Le héros de ce film appartient à un temps révolu : celui où un homme quelconque pensait pouvoir incarner l’autorité (magnifique scène que celle qui montre un Kowalski spectral en train de tenir en joue avec son seul index trois voyous sur le point de commettre un viol), celui pendant lequel il était encore possible de résoudre ses problèmes soi-même sans avoir nécessairement recours à d’énormes institutions qui nous assignent à la condition d’assisté, celui pendant lequel la virilité, c’est-à-dire un certain courage physique et psychologique, était encore une valeur, et même la valeur elle-même (ce n’est pas pour rien que les mots valeur, vertu et virilité –trois mot féminins !- ont la même origine sémantique).

Ainsi, à bien regarder, on constate que Gran Torino met en scène une autre conversion, beaucoup plus intéressante au fond que la prétendue conversion de Walt Kowalski. Après tout Kowalski ne renonce pas à ses jurons, et le drapeau américain fièrement dressé sur sa maison impeccable au milieu d’un quartier en ruine n’est jamais en berne. Il continue de boire comme un trou et de fumer comme un pompier de l’obsolète XXe siècle. La véritable conversion de ce film magnifique c’est celle du prêtre, un jeune blanc-bec de moins de trente ans qui impudemment, veut servir de directeur de conscience à « Walt », comme il appelle cavalièrement le héros de ce film (Call me Mr Kowalski, s’entend-il sèchement répondre d’une manière pas très casual), un vieil homme hanté par ses crimes de guerre en Corée. A l’inverse « Walt » donne sans arrêt du Padre à un type qui sans doute lui rend 50 ans. Cette malicieuse inversion de la figure paternelle n’est pas ce qui est le moins amusant dans ce film souvent drôle.

Mais comment ne pas se sentir gêné par le sans-gêne du morveux qui se prend pour un prêtre et devise à l’enterrement de l’épouse de Kowalski sur le bien et le mal sans rien savoir de l’un ou de l’autre ? C’est une caractéristique de l’époque que de vouloir rééduquer les vieillards, de les sortir de leurs ténèbres extérieures le temps de leur conversion à la modernitude, conversion qu’ils ont intérêt à différer le plus de temps possible, car c’est ce temps là seulement que durera notre intérêt pour eux. Ensuite, ils ne mériteront que l’indifférence que l’on voue aux créatures séduites, surtout lorsqu’elles ont passé depuis longtemps l’âge de jouer aux sex-toys vivants pour les post-adolescents que nous sommes. Tatie Danielle pourrit sans doute aujourd’hui au fond d’un hospice. La confession de ce jeune prêtre n’en est que plus touchante. C’est le représentant de Dieu qui a appris quelque chose sur le bien et le mal, et non l’irréductible pécheur. Un chrétien authentique est toujours un mauvais chrétien.

Si nous étions moins imbus de nous-mêmes, peut-être pourrions nous nous aussi entendre ce que ce vieux polak de Kowalski a à nous apprendre. Le courage physique. Mais aussi la volonté de ne pas être quitte de ses erreurs grâce à une simple demande de pardon. Autrement dit, la volonté de réparer. De réparer plutôt que de remplacer. Kowalski est un bricoleur, un homme qui souhaite que les choses durent, et qui fait tout pour cela. C’est ce goût de la conservation du monde qu’il transmettra finalement, sous la forme de cette magnifique et impeccable Gran Torino de 1972, au jeune Hmong qu’il se choisira comme fils, après l’avoir copieusement abreuvé d’injures. Les voies de la transmission sont impénétrables. Notre époque est celle du remplacement : nous remplaçons nos gouvernants lorsqu’ils nous déplaisent, nos femmes lorsque nous en sommes las, nos meubles lorsqu’ils sont bancals, nos ouvriers lorsqu’ils dépassent la cinquantaine ou qu’ils ne sont pas assez chinois, nos voitures lorsqu’elles dépassent les 30 000 kilomètres ou qu'elles ne sont pas assez japonaises. Kowalski l’obsolète croit à la durée et à la transmission quand nous croyons à la nouveauté et à la génération spontanée. Kowalski plante et cultive son jardin quand nous idolâtrons la nature sauvage et inviolée. En ce sens, plus profondément que nous autres les derniers-nés, enfants gâtés de l'industrie culturelle, couverts que nous sommes de CD, DVD, et autres MP3, il est un homme de culture. J’entendais récemment Marc Fumaroli dire à la radio qu’il existait sans doute plus qu’un lien métaphorique entre l’agriculture et la culture, que la culture elle-même était liée à notre ancienne condition de paysans, de travailleurs de la terre. Peut-être n’en va-t-il pas très différemment dans la condition d’ouvrier. L’ouvrier ou l’artisan prend soin des objets qui l’entourent, il les façonne avec patience et obstination, à mille lieux du consumérisme fiévreux qui est le nôtre. En ce sens on comprend le charme qui émane de ce film profondément nostalgique. Clint Eastwood nous donne à voir un monde qui disparaît. Mais ce monde est justement le monde dans lequel les objets duraient. Doublement nostalgique donc, car ce n’est pas n’importe quel monde que celui auquel nous avons signifié son congé.

Kowalski jardine. Il veut avoir une prise sur le monde. A mille lieux de la passivité consumériste qui nous sert de mode de vie, Kowalski, même lorsqu’il enfile bière sur bière sur sa véranda, paraît agir. Il est le gardien d’un monde qui s’effondre, celui qui retient dans le présent les choses vouées à disparaître, telle sa Gran Torino. Dés l’origine la Gran Torino est la voiture d’un monde qui disparaît. Celui de la grande époque de l’automobile américaine dont elle marque l’acmé et l’aboutissement. Elle est produite au moment où l’industrie américaine entre dans une crise profonde. Alors que Kowalski construisait des automobiles américaines, son fils vend des voitures japonaises. Le monde de l’échange généralisé et de l’arrachement se substitue à celui de la production et de la fidélité aux racines.

Walt Kowalski a en outre ceci d’obsolète qu’il est coupable. C’est peut-être cette culpabilité même qui le tient vivant. Qui l’amène au sacrifice ultime, seul à même de rompre le cycle de la violence. Sa vie entière, sa vie d’ouvrier, de père de famille et de bricoleur du dimanche sera marquée par ce péché originel dont il refuse l’effacement par une simple confession : le meurtre de sang-froid, motivé par aucune nécessité militaire, d’un jeune coréen. Pas de rédemption, pas de bonté véritable sans conscience du péché originel. Le péché originel, voilà ce dont nous ne voulons pas entendre parler, et voilà ce que, finalement, ce grand film qu’est Gran Torino, nous donne à voir.

(1) Le succès de Gran Torino fut complètement inattendu. Ce film ne fut lancé que dans 6 salles aux Etats-Unis et a connu un immense succès critique (ce qui est attendu avec Clint Eastwood), mais aussi public (numéro 12 au Box office américains de ces douze derniers mois, seul film d’auteur au milieu de super productions américaines sans intérêt).