"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

28/05/2009

Copé, Internet et les droits fondamentaux



Une histoire d’arroseur arrosé.



Depuis le temps que j’avais envie de me payer le très horripilant Jean-François Copé, voilà qu’il m’en apporte l’occasion sur un plateau numérique (1). Au nom de sa chère loi Hadopi, dont personnellement je me fous complètement (j’ai mes vieux CD de Bach et des Stooges, ça me suffit amplement), le sémillant umpiste, candidat à la reprise de l’Elysée lorsque l’actuel gérant aura fait faillite, s’insurge avec raison contre ceux qui veulent faire d’Internet un droit de l’homme comme les autres, c’est-à-dire essentiel et opposable. Tout à son ardeur de pourfendre les socialistes qui auraient donc inventé qu’Internet serait devenu tout à coup un « droit fondamental », il s’exclame « quelle insulte pour les droits fondamentaux pour lesquels nous nous battons ! », nous apprenant au passage qu’il est possible d’insulter non seulement des personnes, ce que je conçois volontiers, j’en ai même une envie folle lorsque je vois, comme cela arrive trop souvent, le maire de Meaux s’agiter sur mon écran, mais aussi des droits (après ça, certains doutent-ils encore que le sacré est vivant dans notre monde ?).

Problème : que lit-on dans le « Plan de développement de l’économie numérique », pondu par Eric Besson au nom du Premier ministre en octobre 2008 ? Je cite. « L’Internet haut débit constitue aujourd’hui, comme l’eau ou l’électricité, une commodité essentielle. À cet égard, le fait que [plusieurs] millions de Français soient durablement exclus de la société de l’information nécessite la mise en place d’un droit à Internet haut débit pour tous [souligné par Eric], y compris en Outre-mer, afin que chaque Français ait accès au haut débit d’ici à 2012. » Et plus loin. « Chaque Français, où qu’il habite, bénéficiera ainsi d’un droit à l’accès à Internet haut débit, opposable à des opérateurs clairement identifiés. » Ou encore, « accéder à Internet haut débit, c’est accéder à l’information, à l’éducation, à la formation, à la culture, aux loisirs, au télétravail, au commerce à distance, aux formalités administratives en ligne. En être durablement privé, c’est être progressivement exclu d’un nombre sans cesse croissant de services, d’échanges et de relations. »

Internet « haut débit » serait ainsi un droit tellement essentiel qu’il devrait être opposable, et qu’il peut être comparé à l’eau et à l’électricité. C’est qu’Internet « haut débit » donnerait accès à, rien que ça, l’éducation et la culture. En être privé serait la source d’une exclusion (le mal absolu, n’est-ce pas ?) toujours plus grande. Nos pères et nos mères étaient donc vraiment des crétins, qui croupiront dans les poubelles offline et puantes de notre vieille histoire, dans les ténèbres extérieures de la modernité où la culture est accessible seulement sous l’obsolète « forme papier », c’est-à-dire, sans doute, inaccessible.

A lire la prose grotesque de Besson, à laquelle je m’étais d’ailleurs intéressé ici, on se demande, dans cette cocasse surenchère démagonumérique, qui, du gouvernement ou de l’opposition, insulte avec le plus d’enthousiasme nos chers « droits fondamentaux ».
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(1) Pour ceux à qui, contrairement à moi, Copé ne donne pas de boutons, voici le lien :
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