Faut-il diversifier la diversité du divers ?
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Mon hebdomadaire télé favori qui est certainement aussi le vôtre, on n’a pas vraiment le choix du divers dans ce domaine, m’apprends à la faveur d’un article à la fois enthousiaste et engagé qu’en quelques mois ont été créés en France, parfois à l’initiative de notre divertissant président lui-même, rien de moins que, tenez vous bien, une Commission pour la Promotion de la Diversité dans les Médias (CPDM), un Haut Commissariat de la Diversité (HCD), un Observatoire de la Diversité (OD) dans le cadre du CSA, un poste de Chargée de Mission Diversité à France Télévisions (CMD), sans parler de la HALDE qui se spécialise dans la lutte contre les freins à la diversification du divers. Tout ça malgré la crise qui frappe et les restrictions budgétaires conséquentes. C’est dire l’immensité et l’urgence de la cause. Son absolue priorité. Il faut qu’enfin la télé reflète. Qu’elle arrête de se regarder son blanc nombril ! Que la petite lucarne ouvre grandes ses fenêtres sur l’immense diversité du monde ! Le narcissisme des Vieux Mâles Leucodermes (VML), y’en a soupé ! C’est une question vitale pour la nation. La télé elle-même nous le dit : c’est une affaire d’état que cette télé trop terne ! Et si la diversité n'était qu'une diversion pour nous faire oublier l'apocalypse qui vient! Mais non! C'est qu'ils prennent vraiment tout ça au sérieux!
La diversité, ce concept qui n’existait pas, médiatiquement au moins, il y a quelque mois, est aujourd’hui rabâché dans les coins les plus divers du vieux PAF qui ne cesse de se plaindre à qui veut l’entendre de sa propre et obsolète monochromie. Revêtir sa tunique blanche de pénitent et se couvrir la tête de cendres quand on veut promouvoir un monde plus coloré, voilà qui ne paraîtra guère opportun aux esprits cartésiens qui habitent peut-être encore le crâne des quelques divers ou monochromes qui habitent encore eux-mêmes notre bel Hexagone aux mille fromages, mais c’est comme ça. Comme me le répétait hier en ricanant un divers et néanmoins ami de mes voisins qui n’a pas sa langue dans sa poche, surtout quand il l’a trop longtemps imbibée de diverses boissons toutes plus colorées les uns que les autres (il ne digère pas les alcools blancs, surtout purs), partout dans le monde les divers veulent se blanchir la peau, en France ce sont les blancs qui ont honte de leur pâleur, et veulent une France aux mille couleurs. L’herbe est toujours plus diversement verte dans le pré du voisin, conclus-je mes nombreux hoquets approbatifs qui ponctuaient la dernière de ses diverses et hilarantes sorties consacrées à la diversification du divers dans les médias.
En ce moment, le divers est d’ailleurs tellement rabâché par les monochromes colorophiles qu’on se demande s’il est possible de parler d’autre chose. Ce billet tendrait à prouver que non. Mais l’unanimisme de la diversitudophilie à ceci d’amusant qu’elle paraît contredire ce qu’elle promeut : en n’entendant plus parler que de la diversité, on se demande ce qu’elle devient ! Cette diversitude attitude a quelque chose de monotone, et même d’uniforme ! Qu’il me soit dont permis de diversifier la diversophilie, en y introduisant un gramme de contradiction, à défaut d’opposition frontale : je n’ai rien contre la diversification du divers, à condition que cela ne nous soit pas présenté comme la cause du siècle et une lutte de la lumière contre l’obscurantisme. Qu’on laisse faire la nature ou qu’on applique autant que possible la fière devise de la république (c’est liberté, égalité, fraternité, je le rappelle, au cas où les plus jeunes d’entre nous penseraient qu’elle a été remplacée récemment par le très peu divers titre de cet article) et on se trouvera bien assez divers comme ça dans quelques années, si vous voulez mon avis à moi.
La diversité, ce concept qui n’existait pas, médiatiquement au moins, il y a quelque mois, est aujourd’hui rabâché dans les coins les plus divers du vieux PAF qui ne cesse de se plaindre à qui veut l’entendre de sa propre et obsolète monochromie. Revêtir sa tunique blanche de pénitent et se couvrir la tête de cendres quand on veut promouvoir un monde plus coloré, voilà qui ne paraîtra guère opportun aux esprits cartésiens qui habitent peut-être encore le crâne des quelques divers ou monochromes qui habitent encore eux-mêmes notre bel Hexagone aux mille fromages, mais c’est comme ça. Comme me le répétait hier en ricanant un divers et néanmoins ami de mes voisins qui n’a pas sa langue dans sa poche, surtout quand il l’a trop longtemps imbibée de diverses boissons toutes plus colorées les uns que les autres (il ne digère pas les alcools blancs, surtout purs), partout dans le monde les divers veulent se blanchir la peau, en France ce sont les blancs qui ont honte de leur pâleur, et veulent une France aux mille couleurs. L’herbe est toujours plus diversement verte dans le pré du voisin, conclus-je mes nombreux hoquets approbatifs qui ponctuaient la dernière de ses diverses et hilarantes sorties consacrées à la diversification du divers dans les médias.
En ce moment, le divers est d’ailleurs tellement rabâché par les monochromes colorophiles qu’on se demande s’il est possible de parler d’autre chose. Ce billet tendrait à prouver que non. Mais l’unanimisme de la diversitudophilie à ceci d’amusant qu’elle paraît contredire ce qu’elle promeut : en n’entendant plus parler que de la diversité, on se demande ce qu’elle devient ! Cette diversitude attitude a quelque chose de monotone, et même d’uniforme ! Qu’il me soit dont permis de diversifier la diversophilie, en y introduisant un gramme de contradiction, à défaut d’opposition frontale : je n’ai rien contre la diversification du divers, à condition que cela ne nous soit pas présenté comme la cause du siècle et une lutte de la lumière contre l’obscurantisme. Qu’on laisse faire la nature ou qu’on applique autant que possible la fière devise de la république (c’est liberté, égalité, fraternité, je le rappelle, au cas où les plus jeunes d’entre nous penseraient qu’elle a été remplacée récemment par le très peu divers titre de cet article) et on se trouvera bien assez divers comme ça dans quelques années, si vous voulez mon avis à moi.
La diversité des visibles cause nationale donc, au même titre que l’emploi, la santé ou l’éducation. Tout le petit monde qui sait ce qu’il faut penser se mobilise. On en est convaincu, dans le domaine de la diversité, vingt commissions valent mieux qu’une. Il faut lutter pour le Bien par le Bien c’est-à-dire diversifier les moyens si l’on veut que la diversité elle-même triomphe. C’est beau un monde en lutte ! Les historiens, les sociologues, les politiques, l’administration, les journalistes : tout le monde est sur le pont citoyen pour hisser la voile du divers, et baisser le pavillon de l’uniforme ! Pointer le fond de narcissisme qui se manifeste dans les médias par cette façon de considérer que la représentation de la diversité dans ces mêmes médias serait une cause nationale, ne pourrait être le fait que de l’esprit mesquin d’un passager clandestin de la citoyenneté, passager qui mériterait tel Billy Budd le bègue (c’est-à-dire l’inaudible divers par excellence), de finir cloué sur le mat du navire amiral de la République en route vers un nouveau monde, chatoyant et bigarré!
La pierrepauljacquophobie est-elle un humanisme ?
Ainsi dans le bel article que Télérama consacre au sujet, c’est assez frappant, tous les médiatiques interrogés, divers pas divers, sont d’accord ! Pas une voix discordante. On veut du divers partout, c’est entendu, sauf dans la pensée ! La diversité c’est une cause nationale. La diversité qui se voit. La diversité représentée. Car la diversité est là, mais ce qu’il faut c’est qu’elle se voit dans les lieux qui comptent. Et quels sont les lieux qui comptent aujourd’hui ? C’est la télé, le cinéma, en bref, je vous le disais, les médias. La preuve ? Ce sont les médias qui le disent. Ainsi mon très divertissant magazine m’informe que seulement 2% des gens présents à l’écran, selon une très sérieuse étude du très sérieux CSA, sont des ouvriers, et que c’est un scandale, alors qu’ils représentent 23% de la population. Moi j’ai quand même envie de demander au très très sérieux journaliste de Télérama dénommé Samuel Gontier qui cite cette très sérieuse étude du très sérieux CSA s’il ne perçoit pas quand même une certaine logique dans le fait assez peu surprenant que les ouvriers soient moins nombreux à la télé que, disons, dans les usines, et que les journalistes eux-mêmes à la télé. C’est vrai que les usines se vident de nos jours en France, et qu’il faudra bien mettre les ouvriers qui y travaillent quelque part. Alors pourquoi pas à la télé ? Mais à l’inverse faut-il qu’il y ait seulement, au nom de la sacro-sainte cause de la représentation de la diversité seulement 23% d’ouvriers dans les usines, le reste devant être parfaitement représentatifs de la diversité française. Ce serait avec plaisir pour ma part que j’assisterai bientôt, même si ça n’est pas demain, au spectacle de l’introduction sur les chaines de montage des usines de 2,3% de gens du spectacle (les chiffres, c’est au hasard) ou de 0,2% de déjà très divers footballeurs professionnels. J’ai seulement peur qu’en forçant les entreprises à agir ainsi, nos chères institutions defenseurEs de la diversité ne hâtent le processus de délocalisation de nos usines vers diverses provinces chinoises. Ce qui nuirait un peu plus à la diversité de la localisation géograpique de l'industrie mondiale.
Alors que faire ? Comme nous l’explique l’ami Sammy de chez Télérama, ce n’est pas vraiment la diversité ouvrière qui intéresse. Car il y a diversité et diversité. La diversité elle-même est diverse, et ça complique tout. Il y a la diversité qui se voit et celle qui ne se voit pas. Comme le souligne un membre de la Commission pour la promotion de la diversité dans les médias, dénommé, ça ne s’invente pas, Pascal Blanchard, "toutes les "diversités" ne sont pas liées aux mêmes processus culturels, historiques de discrimination. Il faut les différencier pour trouver des réponses adaptées." En clair, si je puis dire, il y a la diversité raciale, prioritaire, et la diversité sociale, dont on se fout un peu.
Bon, c’est vrai que comme on ne sait pas trop encore représenter la diversité qui ne se voit pas, on peut se contenter de représenter celle qui se voit. C’est-à-dire la diversité ethnique. En simplifiant la diversité, on lutte pour elle. Inutile de complexifier le divers. Une fois que le divers ethnique sera dans le poste, on aura résolu la question du divers social, c'est sûr. C’est pourquoi on peut laisser pour l’instant les ouvriers dans les quelques usines qui restent en attendant de tous les faire venir à la télé quand elle sera enfin une place forte de la diversité.
Le problème quand même c’est qu’on ne peut pas faire entrer dans le poste trop de gens. Même en entassant les divers, il faudra bien que certains, un peu moins divers que les autres peut-être, laissent leur place. La terrible question se pose, qui ça ? Qui faudra-t-il exclure du vert paradis de la diversitude médiatique ? Exclure, quel vilain mot ai-je lâché là. J’en tremblais en l’écrivant. Heureusement, grâce au clavier (très uniforme soit dit en passant, fini l’immense diversité des écritures personnelles) mon émotion ne se voit pas. Revenons à nos moutons blancs. Exclure, disais-je. Qui ça, disais-je ensuite?
Suspens.
Lâchons enfin le morceau. Comme le dit sans ambages Vincent Geisser, l’impétueux auteur de La Nouvelle islamophobie, l’ouvrage performatif par excellence, il y a trop de Pierre, Paul, Jacques sur les « écrans pâles » de la télévision, des hommes généralement d’âge mûrs, précise-t-il même, et blancs, cela il ne le précise pas, mais c’est évident.
Geisser souffrirait-il de pierrepauljacquophobie ? Rien ne permet de l’affirmer, mais si l’on en croit la récente prolifération, entre autres maladies, des phobies en tous genres, rien ne permet de l’exclure non plus.
La pierrepauljacquophobie est-elle un humanisme ? Rien ne permet de l’affirmer non plus, mais au train où va la diversité, rien ne permet de l’exclure non plus non plus…
Car voilà enfin révélée pour les 12 lecteurs réguliers de ce blog (que je remercie au passage chaleureusement, je ne serais rien sans eux, déjà que je ne suis pas grand chose avec eux), et pour conclure cette trop longue méditation sur la diversité, toute l'ambiguité du divers. Car une question terrible se pose pour finir.
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Cette question, la voici.
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La diversité peut-elle exclure l'exclusion sans exclure l'exclusif? Ou même seulement exclure l'exclusif sans exclure l'exclusion?
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La réponse est deux fois non, je crois, et c'est bien embêtant pour nos luttes citoyennes, actuelles ou à venir.
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