Alors que les puissants usent et abusent du droit de faire semblant d’être beau, les enfants des écoles maternelles quant à eux subissent l’humiliation de photos sans retouches. Une pratique discriminatrice honteuse, exercée sur une grande échelle, même si ça n’est pas forcément pratique, et dans l’indifférence générale. Une mobilisation citoyenne s’impose. Saisissons la HALDE au plus vite !
(je ne suis pas sur la photo)
(je ne suis pas sur la photo)
Malgré les grèves et sa varicelle mon petit dernier a enfin eu le droit aux honneurs de la photo de classe. Cela aurait dû être un grand jour pour lui, qui fut malheureusement gâché par des pratiques d’un autre âge : la photo numérique sans retouches. Résultat, des boutons de varicelle plein le portrait ! Une horreur et un scandale inouïs, dans l’indifférence générale du reste de l’humanité. Il est temps de réagir.
On n’y pense pas assez mais ces photos sont souvent les seules traces qui restent de nos premiers pas en compagnie de nos frères humains. A peine sortie du giron mapaternel (1), les petits sont lancés dans le grand bain de la vie en société, sans qu’il n’en reste, hors ces fameuses photos, aucunes traces matérielles. Des années plus tard, grâce à ces photos nos chères têtes blondes se souviendront avec émotion de leurs premiers pas dans le monde loin des jupons de maman (ou des pantacourts de Papa, je vous vois venir gros comme un congé maparental). Pourtant, alors que les grands bénéficient de toutes les ressources de la technique pour modeler leur image à leur goût, nos enfants doivent se contenter d’un triste reflet de leur « moi réel ». Imagine-t-on seulement le traumatisme qui sera le leur lorsqu’ils constateront que sur ces photos un épi rebelle pour l’un, des traces d’une récente varicelle pour l’autre (et parfois même les deux, pauvre fiston !), attireront l’œil sarcastique de ceux qui auront la mauvaise idée de se pencher sur ces photos ? Pense-t-on seulement au traumatisme qui sera celui de nos chers bambins lorsqu’ils devront admettre que l’image avantageuse qu’ils avaient d’eux-mêmes n’était qu’un phantasme sans lien avec la prosaïque réalité ? A leur humiliation insurmontable ? Et que dire de la consternation des parents qui verront en un instant s’effondrer le travail de longues années visant à inculquer la fierté d’être soi à sa progéniture ? Pendant que les grands de ce monde se refont le portrait virtuel grâce aux techniques toujours plus sophistiquées de retouches photographiques, les plus jeunes d’entre nous devraient se contenter de photos « vraies », sans retouches, ni prises multiples. Un scandale inouï qui ne réjouira que ceux qui prennent un malin plaisir à l’humiliation de notre chère jeunesse, et les psychanalystes réactionnaires qui font leurs choux gras et leur beurre de la peau non moins grasse et à boutons qui fleurissent à un âge encore naguère honteusement qualifié d’ingrat.
J’entends déjà les plaintes légitimes des foules juvéniles spoliées du droit d’être belles, leurs visages humiliés plongés dans les coussins des divans desdits analystes, et relatant d’une voix entrecoupée de sanglots déchirants l’horreur qui fut la leur lorsqu’elles constatèrent que leur estime de soi fut définitivement abîmée par ces photographies immondes. A l’heure du corps et de l’identité choisis grâce aux vertus conjuguées de la chirurgie esthétique et de la retouche photographique, au moment ou le moindre internaute bénéficie de la possibilité de se choisir un avatar avantageux pour fanfaronner sur Internet sans qu’un lien quelconque ne puisse être effectué vers un physique souvent difficile, faudrait-il que nos bambins soient les seuls à devoir assumer les humiliations que leur inflige la nature ? Trop longtemps la discrimination naturelle imposée par mère nature a été supportée sans broncher par une société honteusement complaisante à l’égard des vils desseins cachés d’une intelligence occulte visant à humilier l’individu. Cet individu moderne, heureusement libre de se choisir une identité et un destin sans qu’aucune détermination naturelle ne vienne l’entraver doit être libre aussi de se choisir l’apparence qui lui convient le mieux ! Et ce dés son âge le plus tendre ! C’est un droit que l’on doit pouvoir opposer à l’éducation nationale du vilain -dans tous les sens du terme- Darcos !
Que répondrons nous dans vingt ou trente ans à notre progéniture lorsqu’elle nous demandera quelle fut notre attitude alors même que des photos scandaleusement humiliantes étaient prises d’elle systématiquement et dans l’indifférence quasi-générale des plus de vingt ans?
Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
(1) mapaternel appliqué à des mots tels que giron ou congé (voir plus bas) est un vocable retouché lors d’un bidouillage lexical technico-moralisateur moderne garanti 100% sans discrimination par le grand sachem de la haute HALDE de la discrimination Louis Schweitzer.
(je ne suis pas sur la photo)