"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

20/02/2008

Pour un enseignement de la critique-de-Sarkozy dès l’école primaire


La critique-de-Sarkozy n’est pas seulement un droit de l’homme et du citoyen, c’est aussi un droit de l’enfant.


Trop d’enfants, pour des raisons sociales ou familiales, sont aujourd’hui privés du droit fondamental à la critique-de-Sarkozy. De nombreuses études sociologiques l’ont démontré de façon définitive (quoique à mon avis en en sous-estimant les bienfaits), la critique-de-Sarkozy est à la fois bonne pour la santé et excellente pour la démocratie. Bonne pour la santé, parce qu’elle a comme un art appelé théâtre, autrefois très populaire sous nos latitudes, des vertus cathartiques qui offrent à peu de frais au citoyen l’opportunité de se purger de ses passions les plus viles (envie, jalousie, ressentiment) sans prendre aucun risque. Bonne pour la démocratie aussi, car il convient que le citoyen, fût-il impubère, apprenne à se défier de toute dérive potentiellement monarchique ou tyrannique de ses institutions en rappelant à tous les apprentis Tarquin ce que la république réserve à ceux qui cherchent à s’élever au-dessus de la médiocrité commune. D’abord abondamment pratiquée dans les bistrots avec la verve et l’intelligence qui caractérisent le Français moyen sous l’emprise de la boisson, la critique-de-Sarkozy se répand à toute vitesse sur internet de par les effets conjugués de l’interdiction du tabac dans les lieux publics et du sentiment d’impunité que favorise l’usage de l’anonymat ou du pseudonymat dans l’injure.
Cependant, la critique-de-Sarkozy reste encore scandaleusement socialement marquante, traversée par des codes que Bourdieu a magnifiquement su analyser dans son œuvre. Dans certains segments de la société française la critique-de-Sarkozy est portée à un degré de virtuosité qui en fait l’habitus d’une élite culturelle qui transmet à sa progéniture ou dans le secret des alcôves l’art et la manière de mener une critique-de-Sarkozy à la fois efficace et distinctive d’un point de vue social, alors que d’autres formes de critique-de-Sarkozy, moins élaborées sont scandaleusement stigmatisantes. Ainsi on trouve au bas de l’échelle sociale, l’antisarkozysme naïf et l’antisarkozysme ricanant et vulgaire, puis en s’élevant dans la hiérarchie sociale, on trouve l’antisarkozysme laïcard, très pratiqué actuellement, on a aussi l’antisarkozysme de nouveau riche culturel, qui sent l’esbroufe et l’épate-bourgeois, pour trouver, tout en haut de la hiérarchie sociale, l’antisarkozysme intellectuel et enfin l’antisarkozysme décalé.
On pourrait sans doute affiner ces catégories par des études sociologiques plus approfondies. Mais il y a pire encore que cette stigmatisation sociale. Ce sont en effet, en plein XXIe siècle, des segments entiers de la population française qui restent scandaleusement à l’écart de cette pratique bienfaisante. Face à cette situation intolérable, il convient de prendre le taureau par les cornes et d’instituer dès le plus jeune âge une nouvelle matière, à côté du français, des mathématiques et de la découverte du monde, la critique-de-Sarkozy, qui permettra à nos chères têtes plus ou moins blondes de se familiariser avec cet instrument essentiel à la conservation de la santé et à la défense de la démocratie qui doit devenir aussi, à terme, un facteur de mobilité sociale. Dès l’apprentissage de la lecture par exemple, on peut imaginer que l’appréhension de la méthode syllabique se ferait sur la base d’une assonance de bon aloi, ayant en outre l’avantage d’être festive, telle que Sarkozy-zi-zi, qui devrait beaucoup plaire aux plus jeunes d’entre nous. Quelques années plus tard, vers 8-9 ans, au moment où les élèves sont enfin en âge de réfléchir par eux-mêmes, l’animateur de cours (un nom plus approprié me semble-t-il que le pompeux « instituteur », qui fait très ringard, très XXe siècle) devra présenter aux apprenants un projet visant à la réalisation d’un ouvrage collectif de pensée par soi-même qui devra être intitulé L’antisarkozysme est un humanisme. Au collège et au lycée, les cycles d’études en critique-de-Sarkozy devront être développés et pourront être agrémentés de stages sur le terrain avec force manifestations et autres rituels tels que la combustion d’effigies de Sarkozy lors de grandes messes collectives dûment encadrées par les coach-enseignants afin que personne ne se brûle.


Le développement de cette nouvelle matière permettra d’injecter un peu d’égalité en diffusant et en transformant en facteur de mobilité sociale cette magnifique institution naissante dont les bienfaits sur le corps social sont encore aujourd’hui singulièrement sous-évalués par les experts.

Longue vie à la critique-de-Sarkozy et à tous ceux qui la pratiquent !