Un petit texte de M. Flippard de la Vincennières, que la paternité inspire.
Lecteurs,
Cette époque, comme toutes les autres d'ailleurs, a ceci d'intéressante que, par son absurdité, elle offre à l'oeil curieux un véritable terrain de jeu.
Cet espace - temps, qu'est celui de la post-post modernité, permet à l'esprit averti de s'exercer à ce pour quoi il est fait :
Observer, analyser, critiquer et - réflexion souvent mûrement faite - d'asséner des conclusions, qui ne souffrent pas la contestation et se veulent définitives."
Voilà ce que je me suis dit, en marchant dans la rue et en observant mon prochain.
Je sortais de l' hôpital, où ma fille se trouvait.
J'avais le coeur gros d'avoir eu à la laisser, entre d'expertes mains, qui n'étaient pas les miennes.
Dans la rue, en quittant ce lieu de Vie et de Mort, j'ai réalisé que les gens que je croisais me paraissaient préoccupés et ternes d'ennui :
La constipation du chien ou l'arrivée du rappel fiscal minait tout Paris, et sa banlieue élargie ?!...
Voire la France...
J'aurais aimé avoir le courage de prendre le premier venu dans mes bras, malingres et fatigués, pour lui déclarer à quel point j'étais heureux d'être père.
Ce qui me restait de pudeur m'en a empêché.
Comme je n'étais plus que l'ombre de moi-même, j'ai décidé de marcher.
Avec, en tête et chevillé au corps et à l'âme, le visage, doux et aimable de ma femme et celui, naïf, simple et beau, de ma fille.
Cette époque est fantastique de bêtise...
Tandis que je me dirigeais vers la ligne 6, une dame, la soixantaine mal assumée, je veux dire par là, string apparent, jean moulant, E-pod à donf, m'a accosté, pour me tenir les propos suivants :
"Saluuuuuuuuuuuuuuuuuuu !!!!!!!!!!!!! Tu sé pa ouêsqu' ilyôôôrrraaiiiiiii unnne aftereuuu ???"
Et de gesticuler, stupidement, du haut de ses soixantes ans, en exécutant de petits pas de danses ridicules, pour se sentir enfin, jeune, libre dans son corps et dans sa chair, de faire tout et tout et tout....
Bien que fils de soixante huitard, je m'estime suffisamment bien élevé pour répondre, poliment, aux passants qui passent, sans faire d'esclandre.
Mais, permettez moi de rester coi et de ne savoir que répondre.
Je suis resté interdit.
Mon passéisme courtois a eu l'air de l'importuner.
Mais juste un instant.
Ces gens ne reculent devant rien...
Il me semble avoir murmuré, un vague : " Je ne sais pas. Madame."
Comme elle n'avait rien à foutre de ma réponse, elle a hoché de ce qui lui restait de chef, pour aller cuver sa misère festive, plus loin.
Ligne 6, enfin. Ligne 6 rimant bien évidemment avec Maison.
Mais - Dieu aime à m'éprouver -, la connasse me suivait, en gesticulant et en babillant :
" Eeeehhhhhh Meec !! : T'es pas coooolll ! !!! Ch'teu parle et tu ne me captes pas !!!"
Je suis resté, sans voix.
Car, en effet, que faire, lorsque vous êtes en présence d'une imbécile, qui ferait mieux de rentrer chez elle et se consacrer à l'exercice de la sagesse, plutôt que de se considérer comme une éternelle poupée barbie?
Et bien, face à comportement aussi curieux...
Et bien, l'on ne fait rien.
On se contente de soupirer et de penser à sa femme, sa fille et le sens de la famille.
On pense au joli sourire de sa fille et, déjà, plus rien ne compte que ce magnifique instant.
La Poufiasse "huitarde", comme on la qualifie, est déjà loin.
Il reste ma femme et ma fille.
Et toute cette BEAUTE!
"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy