- "Alors chantant pour toi Ingrid, je veux aussi rappeler que tu combats contre un double ennemi", Renaud (pas Line, l’autre, le grand rebelle).
- "J’ai parlé ce jour avec le président Uribe et je lui ai dit qu’un accord humanitaire était la seule option que la France soutiendrait. Je suis d’ailleurs prêt à accueillir 500 guérilleros des Farc sur le territoire français dès que possible", Nicolas Sarkozy (immigrophile).
- "Je ne veux aucune récupération politique, je ne veux pas de spectacle, je veux de la joie, de la sincérité, de la pureté, de la sobriété", Bertrand Delanoë (chef du rayon "poster et placards" du Bazar de l’Hôtel de ville).
- "Cette réussite est aussi celle de la mobilisation de tous les comités de soutien à Ingrid", Raphaël Mezrahi (humoriste… pour une fois qu’il en sort une bonne !).
- « Président, je vous remercie », Ingrid Betancourt.
pourquoi?
Naguère encore, il était de bon ton pour le militant cordicole (du latin cordis, cœur, et du suffixe cole, cultiver, honorer, le militant cordicole se bat donc pour les droits du cœur à être honoré) d’affirmer haut et fort son uribophobie. Pendant des années « lutter » pour la libération « d’Ingrid » cela voulait dire, en plus d’organiser des « opérations pattes blanches » à Paris ou des descentes aux flambeaux à La Toussuire, insulter Uribe à loisir, depuis longtemps déclaré anathème pour busholâtrie par le haut clergé cordicole.
A Cordicopolis-sur-Seine, la cité idéale d’après l’Histoire si bien décrite par Philippe Muray, une seule (non) politique tenait : "libérez maman", quelles qu’en soient les compromissions. Uribe a ainsi été traîné dans la boue, insulté, traité de fasciste (lui dont le père a été assassiné par les Farc) par les militants cordicoles des comités de soutien. Ceux-ci ont même sombré dans l’infantilisme le plus irresponsable en se déclarant prêts à s’allier de loin avec le Diable pour le triomphe des affects du Bien.
Quant à notre classe politique (Chirac = Sarkozy sur ce dossier), elle a sacrifié notre diplomatie traditionnelle, notre pondération, au profit d’une politique des bons sentiments calquée sur le modèle des comités de soutien. Que Sarkozy se réapproprie pour partie la victoire, cela prouve que tout est récupérable dans le monde moderne, que tout est devenu une farce, une tartufferie, puissante car sans ennemis.
Pourtant, s’il appliquait à lui-même le principe des sanctions immédiates pour incompétence, celui qu’il a expérimenté sur le pauvre général Cuche, sacrifié sur l’autel d’un monde où le mal doit être chassé à coup de vindicte, la seule affaire Betancourt l’aurait déjà condamné depuis belle lurette !
Notre président s’était rallié, il faut le savoir, à l’idée d’une sanctuarisation du territoire des Farc pour mener à bien un "accord humanitaire" (en gros, il entérinait la fédéralisation de la Colombie), pour le plus grand profit des Farc, mouvement certes un peu turbulent, mais que l’engagement de campagne (« libérer Ingrid ») nécessitait coûte que coûte de protéger.
Comment comprendre une telle ferveur, à mille lieux de toute lucidité politique ? C’est que ces comités de soutien et ceux qu’ils convertissent se moquent comme d’une guigne de la politique ! Car ces comités de soutien, que soutiennent-ils au juste ? S’est-on, seulement posé la question ? Regardez-les qui ont tant de mal à se dissoudre aujourd’hui. Ce n’est pas tant leur objet qui compte qu’autre chose. Comme l’écrivait Muray à propos d’une autre « mobilisation citoyenne », « c’est (…) à un vaste mouvement néo-animiste que l’on assiste [avec la prolifération des comités de soutien], au sens où l’animisme repose sur la toute-puissance des idées et que ce sentiment de toute-puissance provient, chez ceux qui en sont pénétrés, d’une estimation très exagérée de leurs propres actes. » Plus encore, ces comités de soutien soutiennent avant tout leur propre droit à faire du bruit et à sanctifier les pires de leurs activités quotidiennes. Par la grâce de ces comités « c’est (…) n’importe quelle activité plus ou moins sportive ou ludique qui s’est métamorphosée en geste héroïque de mobilisation. »
Ce sont bien sûr des métaphores religieuses qui viennent à l’esprit lorsqu’on remarque la ferveur qui s’est emparée de la communauté nationale au moment de la libération d’Ingrid Betancourt. Mais un esprit un peu lucide ne s’arrêtera pas à ces clichés. Car on ne saurait confondre sans indignité la foi chrétienne qui anime l’ex-otage et le besoin de sacré parfaitement païen qui s’est emparé des foules célébrantes. Il y a religion et religion. Lorsqu’elle priait Dieu, lorsque la vierge venait lui rendre visite, Ingrid Betancourt échappait à son environnement le plus immédiat, celui qui l’aurait converti à un marxisme mortifère si sa foi ne lui avait permis d’échapper au classique symptôme de Stockholm, qui paraissait plutôt frapper à distance ceux qui depuis Paris appelaient à un compromis avec les Farc. A l’inverse exact d’Ingrid Betancourt, immunisée par sa foi contre la religion séculière, sociale et violente de ses geôliers, les membres des comités de soutien cherchaient dans la chaleur de la foule à oublier leur angoissante vacuité spirituelle tout en s’enivrant d’une bonté purement déclamatoire.
A Cordicopolis-sur-Seine, la cité idéale d’après l’Histoire si bien décrite par Philippe Muray, une seule (non) politique tenait : "libérez maman", quelles qu’en soient les compromissions. Uribe a ainsi été traîné dans la boue, insulté, traité de fasciste (lui dont le père a été assassiné par les Farc) par les militants cordicoles des comités de soutien. Ceux-ci ont même sombré dans l’infantilisme le plus irresponsable en se déclarant prêts à s’allier de loin avec le Diable pour le triomphe des affects du Bien.
Quant à notre classe politique (Chirac = Sarkozy sur ce dossier), elle a sacrifié notre diplomatie traditionnelle, notre pondération, au profit d’une politique des bons sentiments calquée sur le modèle des comités de soutien. Que Sarkozy se réapproprie pour partie la victoire, cela prouve que tout est récupérable dans le monde moderne, que tout est devenu une farce, une tartufferie, puissante car sans ennemis.
Pourtant, s’il appliquait à lui-même le principe des sanctions immédiates pour incompétence, celui qu’il a expérimenté sur le pauvre général Cuche, sacrifié sur l’autel d’un monde où le mal doit être chassé à coup de vindicte, la seule affaire Betancourt l’aurait déjà condamné depuis belle lurette !
Notre président s’était rallié, il faut le savoir, à l’idée d’une sanctuarisation du territoire des Farc pour mener à bien un "accord humanitaire" (en gros, il entérinait la fédéralisation de la Colombie), pour le plus grand profit des Farc, mouvement certes un peu turbulent, mais que l’engagement de campagne (« libérer Ingrid ») nécessitait coûte que coûte de protéger.
Comment comprendre une telle ferveur, à mille lieux de toute lucidité politique ? C’est que ces comités de soutien et ceux qu’ils convertissent se moquent comme d’une guigne de la politique ! Car ces comités de soutien, que soutiennent-ils au juste ? S’est-on, seulement posé la question ? Regardez-les qui ont tant de mal à se dissoudre aujourd’hui. Ce n’est pas tant leur objet qui compte qu’autre chose. Comme l’écrivait Muray à propos d’une autre « mobilisation citoyenne », « c’est (…) à un vaste mouvement néo-animiste que l’on assiste [avec la prolifération des comités de soutien], au sens où l’animisme repose sur la toute-puissance des idées et que ce sentiment de toute-puissance provient, chez ceux qui en sont pénétrés, d’une estimation très exagérée de leurs propres actes. » Plus encore, ces comités de soutien soutiennent avant tout leur propre droit à faire du bruit et à sanctifier les pires de leurs activités quotidiennes. Par la grâce de ces comités « c’est (…) n’importe quelle activité plus ou moins sportive ou ludique qui s’est métamorphosée en geste héroïque de mobilisation. »
Ce sont bien sûr des métaphores religieuses qui viennent à l’esprit lorsqu’on remarque la ferveur qui s’est emparée de la communauté nationale au moment de la libération d’Ingrid Betancourt. Mais un esprit un peu lucide ne s’arrêtera pas à ces clichés. Car on ne saurait confondre sans indignité la foi chrétienne qui anime l’ex-otage et le besoin de sacré parfaitement païen qui s’est emparé des foules célébrantes. Il y a religion et religion. Lorsqu’elle priait Dieu, lorsque la vierge venait lui rendre visite, Ingrid Betancourt échappait à son environnement le plus immédiat, celui qui l’aurait converti à un marxisme mortifère si sa foi ne lui avait permis d’échapper au classique symptôme de Stockholm, qui paraissait plutôt frapper à distance ceux qui depuis Paris appelaient à un compromis avec les Farc. A l’inverse exact d’Ingrid Betancourt, immunisée par sa foi contre la religion séculière, sociale et violente de ses geôliers, les membres des comités de soutien cherchaient dans la chaleur de la foule à oublier leur angoissante vacuité spirituelle tout en s’enivrant d’une bonté purement déclamatoire.
Et pourquoi pas?
Florentin Piffard, rédacteur-citoyen, et Thomas Blier, essayiste, auteur de La Violence des autres