"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

10/07/2008

Ultra-moderne altitude



Se vautrer à Paris-Plage n’empêche pas de se dresser sur ses ergots. Grâce à ses projets de construction d’immeubles de très très grande hauteur à Paris, Bertrand Delanoë nous le prouve.
« Plus haut, plus haut, plus haut ! » C’est le mot d’ordre qui sévit en ce 9 juillet au matin à l’occasion du dernier Conseil de Paris de la saison, avant fermeture pour cause de plage obligatoire à Paris et de JO à Pékin. Paris n’a pas eu les JO de 2012, mais ça n’est pas une raison pour ne pas prendre de l’avance sur ceux de 2008, par exemple en remettant au goût du jour la devise de Coubertin qui fut, rappelons-le, lancée à l’occasion des jeux Olympiques de Paris de 1924 ! Ça faisait un bail ! Il était temps de dépoussiérer tout ça !
Bon, ne remuons pas plus que cela le couteau dans la plaie olympique, et contentons-nous de remarquer que depuis que les Verts sont réduits au rang d’alliés contournables, à cause de leur revers électoral du printemps, la modernitude s’en donne à cœur joie dans la capitale ! D’une seule grande tour, d’un « grand architecte », un « projet phare », on est soudainement passé, par la grâce de la majorité absolue socialiste, à seize tours, glorieusement plantées aux portes de Paris ! Huit portes fièrement ornées par de gigantesques tours qui permettront d’entasser les classes moyennes chassées du centre de la ville par la hausse de l’immobilier. Bien joué Bertrand !
Et les Verts, qu’ils sont lourds et tristes ceux-là, si ça ne leur plaît pas à ces va-nu-pieds, ces pitres telluriques, c’est pareil ! La modernité prend l’ascenseur vers de célestes hauteurs, et ça n’est pas une bande de réacs refoulés, qui seraient plus à leur place à élever des chèvres dans le Larzac, qui va l’arrêter ! En plus, l’ascenseur pollue moins que la voiture, alors pouet, pouet camembert, petit homme vert, et tant pis pour tes fromages de chèvres… Bonne route au reste de l’humanité parisienne, enfin affranchie des contraintes de la pesanteur ! Citoyen, appuie sur le bouton 60, et à toi le bonheur en apesanteur !
Ce 9 juillet à Paris, c’est la grande coalition droite-gauche qui, assemblée sous l’irréprochable bannière de la modernité, pourfend ces terre-à-terre d’écolos, écrabouille ces rabat-joie ! Il n’y a pas de raison que Paris ne soit pas dans la course des métropoles qui veulent en avoir une plus haute, une plus grande, une plus grosse. Enlarge your buildings ! Increase your size ! Car tous à droite et à gauche rivalisent maintenant d’ambition pour Paris. Depuis que le surmoi vert s’est fait tout petit petit, sans doute parce qu’il a pris une douche froide électorale, on se lâche… Non seulement il faut quelques immeubles de grande hauteur, mais il faut surtout aller plus loin, plus haut, et faire des immeubles de très très grande hauteur dit un intervenant, et même de très très très grande hauteur proclame fièrement le suivant. Jusqu’où s’arrêteront-ils ?
On a même entendu, l’enfonceuse en chef de portes ouvertes, la glorieuse modernolâtre première adjointe Anne Hidalgo, affirmer d’un ton qui n’admettait pas de réplique : « Paris n’est pas une ville achevée ».

Alors, achevons-la !

Et que vive Babylone-sur-Seine !