"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

02/04/2010

Paris, le 2 avril 2010. Vendredi Saint.


Me voici donc assis à l'église, un peu à l'écart, les mains croisées, les yeux fermés, en quête d'un abandon qui ne viendra pas. J'imagine que les témoins de cette tentative de prière, si je choisissais, ce qui ne serait pas difficile parmi l'assistance clairsemée, un lieu de recueillement plus central, y verraient une manifestation quelque peu ostentatoire d'une foi ardente. C'est tout l'inverse. Je macère dans mon incroyance.

Et bien vite, je me laisse aller à mon échec, en me laissant assaillir sans vraiment combattre par mille futilités qui n'intéressent que mon nombril.

Un peu plus tard, je tente encore une fois, encore en vain, de  faire fuir mes pensées qui ont entamé une danse moqueuse autour de mon petit ego. Elles célèbrent ironiquement ses maigres succès, moquent sans pitié ses échecs insignifiants. Ces sempiternelles pensées de chaque jour, ces démons évanescents et omniprésents, qui sont là aujourd’hui encore, plus importunes et vaines que jamais, me paraissent plus charnelles que la chair souffrante du Christ. Comme c’est drôle. Elles m'entourent sans relâche, hantent mon champ de vision, paradent devant mes yeux fermés, me touchent presque, et me glissent à l'oreille: "Nous sommes à la colle toi et nous, comme le capitaine Haddock et son bout de sparadrap". Voilà qui me fait sourire tristement dans le vide.

Je suis enfermé dans mon insignifiance, incapable d'espérer pour au-delà de moi. Ici même, au milieu de quelques vieilles femmes qui serrent leurs livres de prières, je suis poussé au constat de mon incapacité à participer si peu que ce soit à la Passion du Christ. Mon imagination se meurt lorsqu’elle ne me choisit pas pour objet. Et dans ce constat qui m'occupe maintenant tout entier, il s'agit encore de moi, de rien d'autre que moi.

Vaincu, j'ouvre les yeux et découvre le lourd voile violet qui, seule fois dans l'année, cache aux yeux du monde cette croix qui le sauve. Je ne vois rien qui pourrait mieux symboliser mon impuissance à entrer en sympathie avec la souffrance de Notre Seigneur Jésus-Christ.