"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

30/04/2009

Bastons de prophètes



Que celui qui tend la joue jette la première pierre.

Depuis que le pape a été déclaré anathème par la Sainte Inquisition Modernolâtre, certains, semble-t-il, lorgnent sur la place laissée vacante par le souverain pontife. C’est ainsi que l’OCI (1) s’est offusquée depuis Djeddah, Arabie Saoudite, où se trouve le siège de cette organisation, non seulement au nom des musulmans mais aussi au nom des chrétiens, de l’existence d’un jeu vidéo italien (ça existe, donc) très low-tech, dénommé en bon italien Faith Fighter, et accessible sur Internet, qui met aux prises, outre quelques divinités plus ou moins identifiables, le « prophète Jésus » et le « prophète Mohammed », pour reprendre les termes de l'OCI. Le jeu a immédiatement été désactivé par la courageuse entreprise italienne, pourtant spécialisée dans la provocation vidéo, et remplacé avec une certaine ironie par un jeu plus consensuel, Faith Fighter II, dont le but est de flatter toutes les religions quelles qu’elles soient, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Qu’une baston simulée, entre un barbu en pagne censé représenter le « prophète » Jésus, et un oriental enturbanné et affublé d’un sabre censé représenter Mahomet (pardon de parler ancien français), puisse choquer un chrétien qui a en a vu vraiment beaucoup d’autres depuis quelques décennies, voire quelques siècles, il faut vraiment habiter en Arabie Saoudite et ne jamais avoir vu un chrétien ailleurs que derrière des barreaux, pour l’imaginer sérieusement. En outre, que le Christ puisse se prendre des dérouillées, les chrétiens le savent depuis qu’une certaine Passion leur est relatée en long, en large et en travers, depuis bientôt 2000 ans.

Ce qui serait plutôt « provocant et offensif » pour reprendre l’intéressante expression de l’OCI, s’il y avait lieu de se provocanté et de s’offensivé pour si peu, ce serait que l’OCI puisse qualifier Jésus de « prophète » tout en prétendant s’exprimer au nom des chrétiens.

Ce qui n’est en tout cas ni provocant, ni offensif pour l’OCI, ni pour personne d’ailleurs, c’est le jeu que l’on trouve encore sur le site du fabricant, élégamment dénommé Operation : Pedopriest, dans lequel un oligophrène quelconque est censé protéger au nom de l’Eglise un prêtre pédophile des ennuis que la Justice ou, plus grave, les médias pourraient lui faire. Certains affreux islamophobes, au nombre desquels je vous prie ardemment de ne pas me compter, en concluraient sans hésiter que pour l’OCI il est moins choquant de soustraire un pédophile à la justice des hommes que de taper sur un autre. Mais je leur laisse l’entière responsabilité de cette conclusion hasardeuse.

(1) Organisation de la Conférence Islamique, organisation intergouvernementale réunissant les pays musulmans et constituant un super groupe de pression islamique à l’ONU et ailleurs. Que dirait-on, soit dit en passant, si les pays chrétiens avaient l’idée, à Dieu ne plaise, de faire la même chose ? La seule existence de cette organisation, et la présence en son sein de pays aussi parfaitement laïcs que la Turquie devrait nous interroger sur la capacité des pays musulmans à entrer de plain-pied dans la laïcité réellement vécue et non seulement simulée comme dans un mauvais jeu vidéo.