"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

06/01/2009

Mais kestu bois Doudou dis-donc ?


Apprendre l’argent en s’amusant nous propose La Poste, n’est-ce pas le bon moment ?
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Faire la queue à La Poste de son quartier pour y retirer un colis après les quelques dizaines de minutes de queue règlementaire n’est pas toujours une partie de plaisir, mais cela peut être, grâce au zèle du service marketing de la vénérable institution, une bonne occasion de rigoler. J’étais pourtant loin d’imaginer le fou rire solitaire qui m’attendait (patiemment lui aussi), alors que je piétinais ce matin dans le froid, avant même l’ouverture du bureau, au bout d’une file déjà longue de quelques individus courageux. Seule la chaleur dont bénéficiait sans doute l’employé matinal qui s’activait derrière son guichet me semblait être une bonne raison de vouloir faire le pied de grue à l’intérieur plutôt que dehors dans la neige en compagnie de mes camarades d’infortune.
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Néanmoins, et nonobstant ma courte déception tout de suite après avoir constaté que l’unicité du guichet ouvert en cette heure matinale révélait une fois de plus la nature velléitaire de mes efforts pour arriver à l’heure au boulot, à peine entré dans les austères locaux de l’établissement je fus pris d’un fou rire aussi inattendu qu’incontrôlable. En effet, au niveau de la nuque du valeureux usager qui me précédait pendouillait au bout d’un fil en plastique un panneau publicitaire (reproduit ci-dessus) dont le message était des plus réjouissants pour l’esprit caustique qui m’habite dés le petit jour, même après avoir affronté une température à faire grelotter et douter le plus convaincu des réchauffés de la planète. La raison pour laquelle cette réclame pendait si bas qu’elle gênait la file des usagers dans sa très lente et tortueuse progression n’était pas difficile à comprendre. Cette publicité s’adressait, par le truchement d’un A ludiquement transformé en une espèce de Barbapapa grotesque et vraisemblablement sous l’emprise de l’alcool, aux petits enfants de 0 à 11 ans qui désirent, il n’est jamais trop tôt pour déconner comme les grands, « apprendre l’argent en s’amusant ».
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L’expression est elle-même amusante, à défaut d’être tout à fait française. Ce qui est sûr en effet c’est que les enfants, s’ils sont susceptibles grâce à cette réjouissante initiative de La Poste « d’apprendre l’argent », quoique cela puisse vouloir dire, ne risquent pas d’apprendre en même temps la grammaire.
Mais La Poste a le sens des priorités. Car il est vrai qu’en 2008, et durant les années qui ont précédé, les grands ont su prendre, et puis perdre, et puis reprendre, et puis reperdre, « l’argent en s’amusant ». Ce serait une discrimination criminelle que de ne pas offrir à nos chères têtes blondes l’opportunité d’en faire autant, même si c’est avec les sous de papa-maman. Après tout, nos banquiers eux-mêmes font aujourd’hui la même chose avec l’argent de l’Etat qui est, n’en doutons pas, ce qui reste aujourd’hui de plus solide en matière de symbolisation paternelle ou (plus sûrement) maternelle pour l’ensemble des Français.
Evidemment, comme les histoires d’amour, les jeux d’argent finissent parfois mal, nous avons tous payé pour le savoir, mais c’est un détail qui n’a apparemment pas préoccupé plus que leur premier bas de laine les audacieux créatifs de la Banque Postale, soucieux de pimenter l’attente des usagers de La Poste d’un peu d’humour noir, et de syntaxe approximative.

A la vue de son état actuel, le doute n’est pas permis. Notre petit doudou en forme de A majuscule aura bientôt la gueule de bois. Ce sera pour nos chers bambins une autre occasion d’apprendre, moins ludique sans doute, mais plus efficace, que celle proposée par le service marketing de cette grande entreprise publique, que reste encore, malgré toutes les apparences, La Poste.

Comme le disait en substance et mieux que moi le grand La Fontaine, qui disposait il est vrai d’un bestiaire autrement fourni que celui que nous avons ici sous les yeux, il est rare qu’une bonne leçon ne se paye d’une façon ou d’une autre. Avec ou sans intérêt, la question reste ouverte.