A propos d’une des conclusions de l’ouvrage d’Anne Muxel, Toi, moi et la politique, amour et conviction, à paraître le 9 octobre prochain.
La tolérance, une valeur de droite ? Vous plaisantez sans doute, s’exclamera peut-être le lecteur de gauche, indigné à l’idée que cette belle valeur moderne de tolérance soit mieux incarnée par d’affreux hommes ou femmes de droite, forcément réactionnaires (et toujours plus ou moins soupçonnables de crypto-fascisme) que par les apôtres exaltés d’un autre monde plein de bonté et de douceur post-capitaliste.
C’est pourtant ce qu’affirme en substance une éminente sociologue, Anne Muxel, que l’on peut quant à elle difficilement soupçonner de rouler pour Sarko, et qui au terme d’une étude consacrée aux divergences politiques au sein des couples conclut que les hommes ou femmes de gauche ont beaucoup plus de difficultés que les hommes ou femmes de droite à accepter un conjoint ayant des opinions politiques opposées aux siennes. Les résultats de cette étude seront publiés dans un ouvrage qui paraîtra le 9 octobre prochain aux éditions du Seuil et joliment intitulé Toi, moi et la politique, amour et conviction.
Anne Muxel, dans une émission de France Inter (pas franchement un bastion de la réaction non plus), manifestait d’ailleurs ce jeudi 2 octobre son étonnement à ce sujet. « Ca a été une surprise pour moi [de constater cette intransigeance des gens que se classent à gauche] quand j’ai commencé ce travail dans la mesure ou quand même les valeurs de tolérance, de respect de la différence, du respect de l’autre font partie d’une culture revendiquée par la gauche. C’est vrai qu’il y a une plus grande difficulté pour les gens qui se classent à gauche d’accepter les divergences politiques dans la sphère privée...» (extrait que l’on peut entendre aux alentours de la 26e minute de l’enregistrement de l’émission). Je vois ici le signe que la sociologie, comme d’autres sciences d’ailleurs, n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle paraît penser contre elle-même.
Mais comment comprendre que ceux qui proclament haut et fort leur amour de la tolérance et leur respect de la différence supportent dans les faits moins bien celle-ci que ceux qui sont considérés a priori comme des conservateurs ou d’horribles défenseurs de l’ordre établi ? Il est sans doute difficile de donner une réponse définitive à cette question. Anne Muxel avance pour sa part l’idée selon laquelle la droite, en insistant sur la notion de liberté individuelle est elle aussi attachée à la tolérance, et pourrait-on dire, à l’idée d’une certaine indifférence des opinions politiques de chacun. Mais, au-delà des valeurs de chacun, n’y a-t-il pas là quelque chose qui met en jeu une notion que l’on pourrait appeler la morale dominante contemporaine ? Aujourd’hui puisque les valeurs de tolérance et de respect de l’autre sont des valeurs dominantes de la société (au moins au niveau du discours), et que ces valeurs sont considérées comme étant a priori mieux incarnées par la gauche, celle-ci est de facto considérée par l’ensemble de la société comme étant le camp du Bien, quand la droite, elle, manque nécessairement de ce point de vue, et de son propre point de vue, de pureté morale. Un homme ou une femme de droite, en acceptant l’idée de sa propre imperfection morale, serait ainsi mieux préparé qu’une femme ou un homme de gauche à accepter, même dans la sphère la plus intime, une opinion politique qui divergerait de la sienne.
On pourrait peut-être cependant avancer une autre explication, moins favorable à l’idée d’une tolérance essentiellement plus grande de la droite. La distinction essentielle pour la gauche est sans doute de nature idéologique. La gauche a une culture d’opposition qui l’amène à faire de la distinction entre ceux qui veulent changer le monde et ceux qui veulent le conserver une distinction essentielle. En ce sens la distinction entre la gauche et la droite est pour elle fondatrice et on comprend alors qu’il soit plus difficile pour une personne se situant à gauche de transiger sur les opinions politiques de son conjoint. Pour la droite en revanche, peut-être plus attachée à l’identité nationale par exemple, la distinction entre la droite et la gauche est sans doute moins importante que d’autres distinctions, celle de l’intérieur (français) et de l’extérieur (étranger), ce qui permettrait aux personnes se classant à droite de « tolérer » plus facilement un conjoint d’un bord politique opposé, sans qu’il soit permis de tirer des conclusions générales sur la plus grande capacité d'accepter la différence des uns et des autres.
C’est pourtant ce qu’affirme en substance une éminente sociologue, Anne Muxel, que l’on peut quant à elle difficilement soupçonner de rouler pour Sarko, et qui au terme d’une étude consacrée aux divergences politiques au sein des couples conclut que les hommes ou femmes de gauche ont beaucoup plus de difficultés que les hommes ou femmes de droite à accepter un conjoint ayant des opinions politiques opposées aux siennes. Les résultats de cette étude seront publiés dans un ouvrage qui paraîtra le 9 octobre prochain aux éditions du Seuil et joliment intitulé Toi, moi et la politique, amour et conviction.
Anne Muxel, dans une émission de France Inter (pas franchement un bastion de la réaction non plus), manifestait d’ailleurs ce jeudi 2 octobre son étonnement à ce sujet. « Ca a été une surprise pour moi [de constater cette intransigeance des gens que se classent à gauche] quand j’ai commencé ce travail dans la mesure ou quand même les valeurs de tolérance, de respect de la différence, du respect de l’autre font partie d’une culture revendiquée par la gauche. C’est vrai qu’il y a une plus grande difficulté pour les gens qui se classent à gauche d’accepter les divergences politiques dans la sphère privée...» (extrait que l’on peut entendre aux alentours de la 26e minute de l’enregistrement de l’émission). Je vois ici le signe que la sociologie, comme d’autres sciences d’ailleurs, n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle paraît penser contre elle-même.
Mais comment comprendre que ceux qui proclament haut et fort leur amour de la tolérance et leur respect de la différence supportent dans les faits moins bien celle-ci que ceux qui sont considérés a priori comme des conservateurs ou d’horribles défenseurs de l’ordre établi ? Il est sans doute difficile de donner une réponse définitive à cette question. Anne Muxel avance pour sa part l’idée selon laquelle la droite, en insistant sur la notion de liberté individuelle est elle aussi attachée à la tolérance, et pourrait-on dire, à l’idée d’une certaine indifférence des opinions politiques de chacun. Mais, au-delà des valeurs de chacun, n’y a-t-il pas là quelque chose qui met en jeu une notion que l’on pourrait appeler la morale dominante contemporaine ? Aujourd’hui puisque les valeurs de tolérance et de respect de l’autre sont des valeurs dominantes de la société (au moins au niveau du discours), et que ces valeurs sont considérées comme étant a priori mieux incarnées par la gauche, celle-ci est de facto considérée par l’ensemble de la société comme étant le camp du Bien, quand la droite, elle, manque nécessairement de ce point de vue, et de son propre point de vue, de pureté morale. Un homme ou une femme de droite, en acceptant l’idée de sa propre imperfection morale, serait ainsi mieux préparé qu’une femme ou un homme de gauche à accepter, même dans la sphère la plus intime, une opinion politique qui divergerait de la sienne.
On pourrait peut-être cependant avancer une autre explication, moins favorable à l’idée d’une tolérance essentiellement plus grande de la droite. La distinction essentielle pour la gauche est sans doute de nature idéologique. La gauche a une culture d’opposition qui l’amène à faire de la distinction entre ceux qui veulent changer le monde et ceux qui veulent le conserver une distinction essentielle. En ce sens la distinction entre la gauche et la droite est pour elle fondatrice et on comprend alors qu’il soit plus difficile pour une personne se situant à gauche de transiger sur les opinions politiques de son conjoint. Pour la droite en revanche, peut-être plus attachée à l’identité nationale par exemple, la distinction entre la droite et la gauche est sans doute moins importante que d’autres distinctions, celle de l’intérieur (français) et de l’extérieur (étranger), ce qui permettrait aux personnes se classant à droite de « tolérer » plus facilement un conjoint d’un bord politique opposé, sans qu’il soit permis de tirer des conclusions générales sur la plus grande capacité d'accepter la différence des uns et des autres.
Ce qui est sûr c’est que l’on ne se débarrasse pas facilement, malgré les plus belles déclarations d’intention, du goût d’exclure et de retrouver entre soi.