"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

11/09/2008

La France est-elle soluble dans le Califat ?


A propos de l’ouvrage de Corinne Maier et Frank Martin, Manuel de savoir-vivre en cas d’invasion islamique.

Depuis ma conversion à l’islamophilie, une question me taraude, la France serait-elle soluble dans le Califat ? Si tel était le cas, ce serait heureux. En effet, nous sommes si embêtés aujourd’hui avec ces histoires de chocs des civilisations et de différences culturelles insurmontables que le mieux serait certainement de savoir dépasser tout ça grâce à la promotion d’une culture universelle qui saurait s’imposer à tous. Ça serait une bonne occasion de souligner les racines communes de l’humanité, et de prouver que, lorsqu’on sait lui tendre la main (quand je dis on, je parle des hommes bien sûr, pour les femmes c’est a priori plus délicat), l’Autre islamiste n’est pas si différent de nous et qu’il peut se montrer lui-même très ouvert. Et quoi de plus élégant de la part d’une culture majoritaire, la culture française, ou « gauloise », comme aiment à l’appeler les auteurs de l’ouvrage dont il sera question ici, que d’adopter la culture d’une minorité et de renoncer à la sienne ? N’est-ce pas le sacrifice suprême qui serait ainsi effectué pour la bonne cause de l’ouverture à l’Autre ? Le sacrifice de soi, l’acte christique par excellence… Paris, si l’on y réfléchit un peu, vaut bien plus qu’une messe…

C’est pour cette raison que le petit livre de « l’auteure » Corinne Maier, comme l’appelle son éditeur(e ?), tombe pour moi à point nommé. Le but de cet ouvrage, intitulé Manuel de savoir-vivre en cas d’invasion islamique, et publié par Michalon, est au fond moins de nous préparer à l’arrivée d’un régime islamique en France que de nous prouver que d’une certaine façon ce régime est déjà là. En effet, à en croire Corinne Maier et le co-auteur du livre Frank Martin, à y regarder de près, nous serions bien en peine de trouver des différences vraiment substantielles entre la France d’aujourd’hui et le régime islamique qui s’imposera demain dans notre pays. Comme le dit la quatrième de couverture « islamique ou pas, la France sera toujours la France ». Prenons pour commencer le problème des Dhimmis, ces « soumis » ou ces « protégés » qu’étaient en terre d’islam les Juifs et les chrétiens, et qui se devaient par exemple de porter des vêtements de couleurs vives afin de ne pas être confondus avec les bons musulmans. On pourrait penser qu’une « société à deux vitesses » de ce genre ne pourrait exister dans un pays attaché à l’égalité des citoyens et aussi, incidemment, à leur liberté. Mais ce serait oublier, comme le soulignent avec à-propos les deux auteurs, que pour ce qui concerne les Dhimmis la France n’a de leçon à recevoir de personne : grâce à ses immigrés, ses femmes et autres minorités visibles (p. 23), c’est une experte en la matière. Les Dhimmis sont déjà parmi nous, et avec l’avènement d’un régime islamique, même si ces Dhimmis ne seront plus nécessairement les mêmes, le concept restera, l’hypocrisie en moins. Au diable l’égalité formelle, vive la dhimmitude réelle ! Nous n’aurons qu’à nous féliciter de cette clarification sémantique.

« Ciao le petit Jésus, bonjour le Prophète (p. 21) »

Pour ce qui concerne la religion catholique, comme le soulignent les auteurs, il ne faut pas trop s’en faire. Presque plus personne en France n’est vraiment catholique, et les catholiques eux-mêmes ont tendance à s’asseoir sur les principes si difficiles à respecter de cette religion si austère (bien qu’elle fut à l’origine d’un foisonnement artistique sans équivalent dans l’histoire humaine, les voies du Seigneur sont impénétrables). En outre les auteurs, reprenant ainsi sans apparemment le savoir la rhétorique musulmane (mais ça n’en a que plus de valeur et prouve que l’islamisation des esprits est plus poussée encore que les auteurs ne le pensent), insistent sur la communauté de pensée qui réunirait les « religions du Livre ». D’une religion du Livre à l’autre, c’est kif-kif bourricot comme on dit à peu près des deux côtés de la Méditerranée, et il faudrait vraiment être un catholique coincé et frileux pour se formaliser d’une simple évolution du vocabulaire (de catholique à musulman) qui ne changera rien sur le fond.

Peut-être certains d’entre vous s’inquiètent-ils de la sévérité de la loi coranique ? Qu’ils se rassurent, cette loi n’est que rarement appliquée par les pays musulmans, en outre s’il faut en croire Foucault revu et (sévèrement) corrigé par les auteurs (p. 67), l’Occident en choisissant de surveiller plutôt que de punir n’a guère amélioré la condition du délinquant, potentiel ou avéré.
Pour les autres points qui pourraient poser problèmes, je vous renvoie à cet ouvrage qui fait d’une façon très efficace l’apologie d’une nouvelle sorte de regime change. Bush revu par Ben Laden. De quoi, une fois encore, réconcilier les frères ennemis.

Pour en revenir à la question d’origine, la France est-elle soluble dans le Califat ? la réponse est oui, bien sûr. A condition de faire quelques efforts pour ce qui concerne la diversité, aujourd’hui mieux défendue selon nos auteurs dans les pays musulmans qu’en France, la France est aisément soluble dans le Califat. A condition aussi, comme le disent encore les auteurs, que les Français sachent rester fidèles à eux-mêmes, comme ils ont su le faire sous Vichy par exemple (p.172).

Voilà, la preuve est faite, la France cumulant tous les défauts d’une république islamiste sans en avoir les avantages, autant se débarrasser dès que possible de ce nom propre encombrant et chargé d’une histoire aussi répugnante qu’incompréhensible. Si l’on considère en outre qu’une telle unification de la société française sous la bannière de l’islam ne pourra que favoriser la paix sociale, disons-le tout net, le plus tôt sera le mieux !