"Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin." Charles Péguy

10/01/2011

Mon Dieu permettez-moi de voir

Mon Dieu permettez-moi de voir
Ce qu’en mon dégoût je ne vois
Votre Création en sa splendeur
Etait donnée pour notre joie
Depuis longtemps un insecte
Marche dans ma tête
C’est son extermination que je projette
Par tous les moyens techniques
Mis à ma disposition
Par mon hypermarché
Mon esprit pur m’enlève dans des nuées
Loin des âmes infimes
En une assomption diabolique
Ma chair est pâle et abimée
Par le vieux péché d’Adam
La disparition planifiée de votre Création
Moi aussi je l’ai voulue
Aujourd’hui la honte me rougit le front
Elle m’emplit d’un regret amer
De ne savoir aimer
Et de ne savoir admirer
Dans leur fragilité
L’humble fourmi, le méprisable cancrelat et le ver dérisoire
Qui vont par leurs chemins secrets
Qui fourmillent dans la sombre lueur de la civilisation
Qui grouillent et qui rampent
Qui mangent la vieille chair
De l’auguste animal
Et nuisent à la dignité
De ce qui est
De ce que nous sommes
Mon dégoût est l’exacte mesure
De l’ampleur de mon impuissance
Et de mon incapacité à célébrer
La beauté de ce que Vous avez voulu
L’humanité tout entière dégoûtée
D’elle-même et de ce qui est
Trouve un refuge dans l’Internet
Sort de l’Incarnation
Voit la vie comme un virus
Qu’il faut exterminer
Pour plus de sécurité

Pour plus précautionner
Dans la Création un m s’est incrusté
Crémation
Comme un amour subverti
Déclaré d’intérêt public
Sponsorisé
Eucharistie obligatoire
Amour officiel incrusté dans la Création
Comme un trognon de pomme

Dans notre carapace technologique
Car tout est consommé
Et le fruit défendu n'est plus qu'un déchet
Non recyclable
La Création est devenue
Un spectacle hideux
D’horreur et de pornographie
Orgie de marchandise
Consommation du monde
Consumation du monde
La crémation elle-même subvertie
Celle du corps
Et non celle des péchés
Voici le feu divin
Entretenu par le diable
Création/crémation
J’m/j’m pas
Le jeu de mot est notre accès au monde
Dégradé et obscène
Loin de votre amour véritable
Mon Dieu si ma mort approche
Si mon corps si lourd
Se fait si léger
S’il est déjà poussière avant d’y retourner
Ecoutez-moi
Et permettez-moi d'entendre et de voir


Vos créatures
Et Sainte Marie
Douce mère de Celui à qui
Toute chair doit retourner
Faites qu’en ma légèreté
Me soit donné
Ce que je n’ai su mériter
Par ma vertu vacillante et mes œuvres fragiles
Par ma prière discordante

Que la grâce infinie de votre Fils
Me rende l’usage véritable
De chacun de mes sens
La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher
Afin qu’ici-bas je loue comme je le dois
La splendeur éternelle
De la Création