Il n’y a pas que dans les sports dont l’audience est confidentielle, tels que le plongeon ou le tir à la carabine, que la Chine contemporaine excelle. Aujourd’hui, la Chine triomphe aussi dans un sport qui s’il n’est pas olympique n’en est pas moins universel et de plus en plus populaire sur notre jolie planète : le lynchage médiatique. Chaque semaine, chaque jour presque, une nouvelle victime est jetée en pâture pour la meute chinoise par des « jeunes gens en colère (Fènqīng) » qui au contraire de leurs illustres aînés britanniques n’ont pas choisi de critiquer les institutions de leur pays et le nationalisme béat de leurs compatriotes, mais bien au contraire de surenchérir sur lui. En changeant de langue certaines expressions changent aussi de sens et en disent long sur le monde tel qu’il va. Prendre la pose du révolté aujourd’hui en Chine c’est s’en prendre à l’Occident arrogant (et aussi à ses vassaux taiwanais ou japonais, par exemple) et défendre le gouvernement autocratique de Beijing, quoiqu’en le fustigeant parfois pour sa mollesse à pourfendre les traîtres à la patrie et les chiens d’étrangers. La révolte n’est plus ce qu’elle était, à moins au contraire qu’elle ne soit exactement ce qu’elle était naguère : une critique forcenée des gouvernements occidentaux, coupables à jamais de tous les maux de la planète et d’ailleurs. Mais que cette critique soit aujourd’hui portée par une jeunesse qui n’appartient pas aux pays qui en sont la cible en change la nature et lui donne une teinte à la fois moins sympathique et plus inquiétante. Ces gens-là sous leurs allures de pitres sont sérieux. L’empoisonnement probable par certains de ces Fènqīng de raviolis fabriqués en Chine pour l’ennemi japonais en témoigne, malgré le peu d’écho médiatique donné ailleurs qu’au Japon à cette affaire. Officiellement et malgré les aveux d’un officiel chinois trop bavard, l’enquête est en cours.
Mais il reste encore rare que ces Fènqīng passent directement à l’acte. Aujourd’hui, le jeu favori de ces sympathiques patriotes consiste plutôt à traquer partout sur la toile et ailleurs ceux qui dérogent à l’enthousiasme obligatoire à l’égard du miracle chinois. On pourrait s’étonner qu’un sport présentant de tels avantages ne bénéficie pas encore d’une reconnaissance officielle ailleurs qu’en Chine où il paraît être encouragé par les autorités. Serait-ce parce que ce nouveau sport serait un avatar démocratique de cette "tornade jaune" qu’un certain Liu Xiang promettait, selon le journal Le Monde, de déclencher à l’occasion des jeux Olympiques de Beijing ? C’est peu probable car les racistes, nous le savons, sont en Occident et nulle part ailleurs. Nul doute, dès lors, que la pratique du lynchage médiatique sera bientôt officiellement adoptée par un grand nombre de pays soucieux d’emboîter le pas au géant asiatique. Car ce sport bénéficie en Chine et ailleurs d’une pratique de masse facilitée par le peu d’entraînement nécessaire pour y exceller, l’absence de risque physique lié à sa pratique et le nombre incroyable de gagnants : tous sauf un, la victime. L’inverse exact des autres sports où la foule des participants doit se contenter au mieux des accessits tandis qu’un seul est jugé digne de vaincre. Voilà enfin un sport parfaitement démocratique : la foule y triomphe et l’individu y est humilié. Tous les tenants de l’hyperdémocratie triomphante devraient s’inspirer des foules chinoises et exiger que la pratique du lynchage devienne une cause nationale. Cela dit pour rappeler à tous les amis du peuple que la démocratie n’est pas, ou ne devrait pas être essentiellement, la loi du plus grand nombre, mais bien plutôt la défense de ceux qui pour une raison ou pour une autre risquent de se voir imposer une forme quelconque de violence, sociale ou collective, par exemple.
On m’en voudra sûrement de me livrer pour conclure à un prosélytisme éhonté, mais je voudrais rappeler que l’expression lynchage médiatique a été lancé sur la scène médiatique de notre pays il y a déjà une décennie par un journaliste catholique français, Jean-Claude Guillebaud (voir par exemple le numéro 35 (1998) de la revue Panoramiques), pour décrire un phénomène nouveau dans ses manifestations, mais littéralement vieux comme le monde dans le fond, et qui n’a cessé sous la forme par lui décrite de prendre de l’ampleur depuis. La lucidité de ce journaliste ne devait rien au hasard et tout à ses lectures, en particulier celle de René Girard qui est certainement l’auteur qui a le mieux décrit le mécanisme de ces phénomènes de polarisation de la violence mimétique d’une foule sur un individu. A en croire René Girard lui-même, son savoir lui vient directement des Evangiles. "Entende qui a des oreilles" (Mt 13, 9)
Mais il reste encore rare que ces Fènqīng passent directement à l’acte. Aujourd’hui, le jeu favori de ces sympathiques patriotes consiste plutôt à traquer partout sur la toile et ailleurs ceux qui dérogent à l’enthousiasme obligatoire à l’égard du miracle chinois. On pourrait s’étonner qu’un sport présentant de tels avantages ne bénéficie pas encore d’une reconnaissance officielle ailleurs qu’en Chine où il paraît être encouragé par les autorités. Serait-ce parce que ce nouveau sport serait un avatar démocratique de cette "tornade jaune" qu’un certain Liu Xiang promettait, selon le journal Le Monde, de déclencher à l’occasion des jeux Olympiques de Beijing ? C’est peu probable car les racistes, nous le savons, sont en Occident et nulle part ailleurs. Nul doute, dès lors, que la pratique du lynchage médiatique sera bientôt officiellement adoptée par un grand nombre de pays soucieux d’emboîter le pas au géant asiatique. Car ce sport bénéficie en Chine et ailleurs d’une pratique de masse facilitée par le peu d’entraînement nécessaire pour y exceller, l’absence de risque physique lié à sa pratique et le nombre incroyable de gagnants : tous sauf un, la victime. L’inverse exact des autres sports où la foule des participants doit se contenter au mieux des accessits tandis qu’un seul est jugé digne de vaincre. Voilà enfin un sport parfaitement démocratique : la foule y triomphe et l’individu y est humilié. Tous les tenants de l’hyperdémocratie triomphante devraient s’inspirer des foules chinoises et exiger que la pratique du lynchage devienne une cause nationale. Cela dit pour rappeler à tous les amis du peuple que la démocratie n’est pas, ou ne devrait pas être essentiellement, la loi du plus grand nombre, mais bien plutôt la défense de ceux qui pour une raison ou pour une autre risquent de se voir imposer une forme quelconque de violence, sociale ou collective, par exemple.
On m’en voudra sûrement de me livrer pour conclure à un prosélytisme éhonté, mais je voudrais rappeler que l’expression lynchage médiatique a été lancé sur la scène médiatique de notre pays il y a déjà une décennie par un journaliste catholique français, Jean-Claude Guillebaud (voir par exemple le numéro 35 (1998) de la revue Panoramiques), pour décrire un phénomène nouveau dans ses manifestations, mais littéralement vieux comme le monde dans le fond, et qui n’a cessé sous la forme par lui décrite de prendre de l’ampleur depuis. La lucidité de ce journaliste ne devait rien au hasard et tout à ses lectures, en particulier celle de René Girard qui est certainement l’auteur qui a le mieux décrit le mécanisme de ces phénomènes de polarisation de la violence mimétique d’une foule sur un individu. A en croire René Girard lui-même, son savoir lui vient directement des Evangiles. "Entende qui a des oreilles" (Mt 13, 9)