Nous n'avons rien à exiger du monde, nous autres chrétiens, et surtout pas qu'il fasse honneur au Christ. Cela, en pleine Semaine sainte, c'est à nous de le faire car nous savons que c'est pour nos péchés qu'il a souffert. Laissons la vertueuse indignation à ceux qui sempiternellement s'enivrent de se savoir du bon côté.
Mais que savons nous au juste d'Andres Serrano? Un crucifix est un instrument de torture et rajouter de l'urine au sang déjà versé, cela change quoi?
Je me garderais bien pour ma part de juger des intentions de cet homme, même si au fond cet objet, "Immersion Piss Christ", me dégoûte profondément. Mais pas au point de m'en prendre à lui. Au point seulement de vouloir l'ignorer. "J'ai rendu mon visage dur comme la pierre".
Ce que certains appellent la "christianophobie" est consubstantielle au christianisme, elle n'est que la forme contemporaine et hideuse (parce que mesquine et ricanante) de ce qui fut infligé au Christ lors de sa passion. Ne lui faisons pas l'offrande d'un scandale. Christine Sourgins souligne que Piss Christ a été célébrée par une partie de la hiérarchie de l'Eglise ("Mgr Albert Rouet, alors évêque de Poitiers, écrit-elle, a fait l’éloge de Piss Christ dans son livre L’Église et l’art d’avant-garde"). Elle souligne justement que l'Eglise, de peur de paraître ringarde aux yeux du monde est parfois prête aux pires compromissions. Certains en son sein sont fascinés par une avant-garde qui les méprise comme des amoureux transis par une coquette dédaigneuse. Mais ceux qui ont détruit cet objet sont eux aussi fascinés par lui et ce qu'il représente. Ils semblent exiger pour le Christ le même genre de respect qu'exige pour lui-même un de ces jeunes des cités tel qu'on en voit à la télé.
Le Christ, ce n'est pas cela, son royaume n'est pas de ce monde, et les petites persécutions d'aujourd'hui sont la source d'immenses béatitudes à venir. Gardons nos indignations pour des causes autrement tragiques, celle des chrétiens d'Orient par exemple. Et laissons les moribonds de l'Esprit à leurs fascinations mortifères.
"Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison (Isaïe 53,3-5)."